Le songe d’une ville

J’avais du mal à trouver le sommeil hier soir, donc j’ai mis de la musique à côté de mon oreiller. Il s’agit de chants monastiques. Au bout d’un certain temps, il m’est venu un songe, celui d’une ville, sans doute parce que j’avais vu une video sur la cathédrale de Palerme. J’imaginais en faire le dessin. J’imaginais aussi faire le dessin d’une église néogothique basque tout près de la cathédrale et ce songe m’a emmenée à penser à tous ceux qui sont pris dans le chaos urbain, la manière dont les villes ont pu créer la colère des gens.

A mesure que j’écoutais cette musique, mon ventre est devenu bouillonnant et mon front est devenu en sueur. Je me suis dit que j’expérimentais en fait le songe d’une ville, comme une cathédrale, comme d’autres architectes avaient du penser la musique et créer la symbolique des formes. Je recommande à quiconque de s’allonger confortablement au chaud et d’écouter cette musique, la manière dont elle puise en nous les idées.

En écoutant, je me suis dite que ceux qui commettent des violences sont des loups isolés et qu’il faut trouver par la ville tous les moyens de les ramener vers la horde. Je me suis dite que ceux qui commettaient des violences avaient cessé de croire en la ville, à sa force, à son pouvoir régulateur et bienfaisant, l’endroit où l’on croise des gens de bonne volonté pour se penser soi-même dans la cité. Ils ont cessé de se penser comme un tout parce que le tout est devenu inhumain.

Souvent j’ai vu aux USA comment les gens de couleur avaient contribué à l’humanité toute entière. N’ayant plus d’espoir, n’attendant plus rien, ils ont osé dire des choses là où d’autres s’étaient habitués et étaient tombés en esclavage. L’esclavage prend parfois des formes subtiles. Au USA, la dette des étudiants est une forme d’esclavage. Ils sont jeunes, se préparent à la vie mais pour entrer dans la cité de cette vie là, on leur demande d’avoir des diplômes, alors ils contractent une dette. A peine terminées les études, au moment de commencer leur vie, de se marier et d’avoir des enfants, ils doublent leur dette en faisant un couple et déjà, la vie devient compliquée pour eux, soumise au dictat des dirigeants d’entreprise. Toute leur vie consistera ensuite à payer leur dette et se plier au système pour cela, parce qu’autrement, c’est la chute vertigineuse et rapide vers le néant et tandis que les immigrants continuent d’arriver en abaissant les espérances communes, le peuple, lui, n’arrive plus à s’élever.

La finance est devenue un outil de soumission incroyable et ceux qui grandissent dans les cités sont les electrons libres, mais au lieu de leur jeter la pierre on devrait leur dire merci. Merci de déranger le système. Merci de noircir le tableau. Merci d’être des cancres. Merci de questionner le confort d’une cité où la finance s’installe parce que la finance est sournoise, elle ne fait pas de bruit, mais elle tue. Je pense qu’avant de savoir si une personne est un loup isolé, il faut savoir ce qu’est une horde et se questionner sur la société, comment les hordes entre elles se composent pour savoir qui est le loup, sur quel territoire il peut vivre. Il faut ensuite créer les lois, non pas pour changer le loup, mais pour changer la horde ou les hordes qui ont fait le loup isolé.

Pour moi, l’architecture fait tout, mais pas que moi, les romains pensaient ainsi, les grecs pensaient ainsi, les égyptiens pensaient ainsi, il faut savoir s’inspirer des grandes civilisations pour devenir une grande civilisation, et la civilisation commence par créer l’environnement civil, celui de la cité. Moi je pense, et c’est mon combat, que les architectes ont été trop laissés aux mains de la finance. Ils ont oublié la mission publique à laquelle ils ont prêté serment et pour avoir prêté serment moi-même à Paris, je sais avec quel solennel je suis rentrée dans cet ordre et je voudrais changer cela, le fait que ce jour là, je me sois sentie comme un loup solitaire. Plus tard avec mon entreprise, c’est ce que je suis devenue en France, une personne qui avait grandi dans les ghettos de banlieue et qui voulait penser autrement. Moi, je n’ai jamais cessé de croire en la ville et la civilisation qu’elle apporte tandis que les politiques se sont accoutumés à l’idée de construire des baraquements. Je suis très curieuse de voir ce qu’un Général fera pour reconstruire la cathédrale. Quand les généraux français jouent au Rambo Américains, il y a de quoi se mettre au balcon.

La question est de savoir si c’est comme avec les élections de Macron, financé par les chinois et comme dans le cas d’ERAMET, à combien de pourcent. Cela donne le pourcentage qu’un peuple a de contrôle sur ses armées, sur sa police, sur ses services divers et variés, sur ses villes et ces mafias qui s’y installent. Moi je me dis, comme Theodora, que si je peux démontrer l’intérêt de l’architecture, les mafias sauront qu’ils feront plus de profits en construisant mieux et alors peut-être que cela libèrera des femmes, des enfants, des jeunes, parce qu’il y aura plus d’intérêt à construire la ville. Je suis restée longtemps à Las Vegas, 14 mois. J’ai travaillé avec un développeur de Las Vegas pour la traduction de tous leurs tableaux financiers en français sur trois gros projets, et c’est plus que traduire des mots puisqu’il fallait rendre intelligible les outils de la finance de l’anglais au français avec des termes comptables français. J’ai bien appris. J’ai aussi photographié la ville, changé de l’argent à 4 heure du matin, marché seule le matin, le soir, l’après-midi. J’ai vu la ville, ses casinos, ses boutiques, ses bureaux, ses parcs, ses églises et ses maisons. Ce que j’ai appris, c’est que j’avais eu raison de partir pour ouvrir mon esprit, certes, mais aussi pour y trouver du réconfort, des encouragements et du sens.

La ville de Las Vegas est un “drôle d’endroit”. Les premières églises et les premières écoles ont été construites par les prostituées qui avaient donné leur corps au développement de la ligne de chemin de fer. Avec ces écoles et ces églises, elles ont fondé l’idée qu’autre chose était possible et aujourd’hui, la prostitution est légalement interdite à Las Vegas, elles ont réussi à le faire entrer dans la loi. Il y a certes des lieux occultes, mais pas à l’intérieur de la ville et Las Vegas est beaucoup plus propre que la Place Clichy à Paris, on ne voit pas de porno. Je me souviens lorsque j’étais jeune, je suis “montée à Paris” pour la première fois avec une amie marocaine. Nous avions pris une chambre dans un hôtel de Barbès parce que c’était pas cher. Paris, c’était pas ce qu’on en pensais, on a vite vu les vitrines et la saleté de Paris. Aujourd’hui, c’est cette France là de la place Clichy qui gouverne toute la France, Clichy des bordels, Clichy des dealers, mais Clichy libre! Le Général de Gaulle a créé la république pour cela où il s’y trafique des bananes.

Un jour, un collègue de travail chez Euro Disney devait retourner en Belgique et nous avions décidé de fêter son départ. Nous sommes allés dans une boîte près de la Place Clichy. J’avais garé ma voiture et en sortant, les 4 pneus étaient crevés. J’ai vu une voiture de police et je me suis mise au milieu de la route pour appeler au secours. Mes amis étaient assis sur un bancs et se faisaient tout petits. Je n’avais pas réalisé qu’ils avaient consommé du hashish. Moi, je n’en consomme pas. Les flics m’ont emmenée dans leur voiture de police et nous avons traversé tout Paris avec les gyrophares. C’était fantastique, il faut dire, il y a quelque chose de flic en moi. Ils m’ont emmenée dans une station service, ont piqués quelques bonbons à la caisse, ont demandé au vendeur d’être gentil, il m’a vendu un spray pour regonfler mes pneus et ce sont les flics qui ont regonflés les pneus pour que je rentre chez moi. Le lendemain, d’autres flics sont venus m’aider pour changer les roues. Lorsque j’ai voulu offrir des croissants aux flics, ils m’ont dit “non merci, on est des ripoux, on a pas besoin d’acheter les croissants“. Ce que je veux dire par là c’est que la ville de Paris est devenue un endroit où même les flics savent qu’une petite fille ne doit pas rester seule dans les rues parce que cette ville est devenue dangereuse, même au milieu de ceux que l’on connait. Hors, avec détermination et courage, on peut changer cela.

Souvent, on oublie que les femmes ont été des petites filles et que tout le monde pourrait être différent si au moins on leur laissait un peu de place pour penser les villes et pour les construire. Une femme n’a pas toujours l’occasion de savoir ce qu’elle veut être, mais elle sait ce qu’elle ne veut pas être instinctivement et cet instinct de la louve est fondamental, Rome s’en est inspirée. Certaines associations s’en inspirent d’ailleurs et chaque fois pour se différencier du système établi, d’un système qui oublie les fondamentaux de l’homme, sa cité. Quand l’homme se sent devenir esclave, il se révolte, même pacifiquement. Moi, je me suis mutinée contre la France et partir a été la façon la plus pacifique de le faire, mais certains oublient que leur bateau, c’est la France, et qu’un mauvais capitaine ne fait pas de bons généraux.

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