Le souvenir en chansons

Enfant, je suis devenue patriote et je peux facilement associer ce souvenir Ă  la rĂ©novation de la maison de campagne de ma nounou. Elle et son mari avaient un hĂŽtel restaurant dans le centre de Tours. Ils l’ont vendu pour partir Ă  la retraite et on achetĂ© un ensemble de bĂątiments qui avaient appartenus Ă  des moines pour les restaurer. C’est lĂ  en jouant avec de petits cailloux blanc tombĂ©s sous le burin d’un sculpteur italien que j’ai voulu devenir architecte. Il construisait la cheminĂ©e de la maison. Moi, je construisais la cheminĂ©e de ma cabane pour jouer comme tous les enfants. Le midi, nous mangions tous Ă  table, la grand-mĂšre auvergnate, ma nounou, son mari, leur fils et les ouvriers. Il y avait aussi des gens qui avaient gardĂ©s le contact dont un ancien lĂ©gionnaire. Il avait sombrĂ© dans l’alcoholisme puis s’en Ă©tĂ© sorti et est devenu ami avec ma nounou. Elle Ă©tait une femme Ă  poigne qui savait gouverner sa maison.

Quand on est enfant, on regarde les adultes comme une sorte d’ivresse, leurs voix grasses, Ă©paisses et lourdes. Un peu comme la Strasbourgeoise. On se fonde un “Ă©pisme” en chantant, le sentiment Ă©pique d’appartenir Ă  quelque chose et puis les annĂ©es passent. Moi, un jour, je me suis rĂ©veillĂ©e dans une France qui m’Ă©tait devenue Ă©trangĂšre et dans laquelle il n’y avait plus de place pour moi. La France est devenue un pays occupĂ© n’offrant que deux options, mourir ou partir. J’ai fait le choix de partir pour vivre et pour comprendre, mener mon enquĂȘte, savoir ce qui est arrivĂ© et le constat n’Ă©tait pas seulement de dire qu’une oligarchie est au pouvoir mais comment et pourquoi cela est arrivĂ©. Aujourd’hui, je regarde de loin les dĂ©gĂąts. Je continue d’enquĂȘter, je continue mon combat et c’est devenu une forme de rĂ©sistance parce que d’autres on enfin compris. Mais qu’ont-ils compris en fait?

Moi, ils ont voulu me tuer parce que j’avais dĂ©jĂ  pris les armes, j’avais dĂ©posĂ© des brevets, j’avais crĂ©Ă© mon entreprise, j’Ă©tais en train de faire des dĂ©monstrations comme de grandes manoeuvres en territoire occupĂ© et les français savaient dĂ©jĂ  Ă  cette Ă©poque que quelque chose n’allait pas avec leurs oligarques. L’armĂ©e devait le savoir. La gendarmerie devait le savoir. Les services secrets devaient le savoir. Les philosophes Ă©taient au courant. Les historiens avaient dĂ©jĂ  pronostiquĂ© l’avenir de la France. Eux tous qu’ont-ils fait si ce n’est chanter du Johnny? C’Ă©tait dĂ©jĂ  presque une promesse d’oublier le nom de cette mĂ©tropole souveraine qu’Ă©tait la France.

Je suis devenue ethnographe parce que je n’aimais pas cette France lĂ  des colonies. Je n’aime pas non plus cette France lĂ  qui se fait acheter Ă  la dĂ©coupe par des Chinois, par des Russes, par des pays du Moyen-Orient. J’avais une autre vision du monde. Je n’ai pas trouvĂ© la vision du monde que je cherchais aux USA, mais au moins j’ai survĂ©cu, temporairement, jusqu’Ă  ce que la politique AmĂ©ricaine face le jeu des mĂȘmes oligarques. J’Ă©coutais cette vidĂ©o de Blast qui est consternante et qui ramĂšne Ă  cette rĂ©alitĂ© lĂ  que la France ne changera pas facilement. En fait, je ne me trompe trĂšs rarement, voire jamais, je pense que la France va s’effondrer.

Le seul moyen d’Ă©viter un effondrement de la France serait le sursaut de son armĂ©e, mais je ne suis mĂȘme pas sĂ»re qu’ils aient pris la mesure. Macron vit sur son nuage, PĂ©cresse se cherche des occasions, Zemmour veut la mort de la France, MĂ©lanchon est hors jeu. J’Ă©coute Alexandre Juving-Brunet avec pessimisme et il le dit, si la France ne peut pas changer par les urnes, elle devra changer par les armes, par le peuple descendu dans la rue.

Je vois bien les rivalitĂ©s, les conflits et les problĂšmes mais je pense que tout cela arrive parce que le peuple français Ă  changĂ© Ă  coup de mĂ©dias et Ă  coups de chansons. Quand j’habitais Dreux, je voyais la chapelle royale depuis ma fenĂȘtre de chambre et je n’ai jamais vu aucun aristocrate faire quoi que ce soit de bien dans ce pays. Pourtant, enfant, j’ai passĂ© beaucoup de temps dans un chateau dont le frĂšre du marquis Ă©tait Ă  la cour des comptes. Pour ce qui est des bourgeois, on a bien vu comment ils ont dĂ©cimĂ© les classes moyennes. J’ai dĂ©couvert ce qu’Ă©tait le prolĂ©tariat Ă  Dreux, au pieds du tombeau des rois. Avant, je ne savais mĂȘme pas ce que cela voulait dire dans les faits. Juste Ă  cĂŽtĂ© du prolĂ©tariat, il y avait les citĂ©s, les zones interdites, les marchĂ©s exotiques, le coeur de la ville envahi par l’Islam prolĂ©taire, d’autres pauvres Ă  cĂŽtĂ© des pauvres. Tout cela me fait penser Ă  la Grande Frousse. On cherche la bĂȘte et on dĂ©couvre tout un traffic de blanchiment de faux billets.

J’ai beau avoir la gueule de Belmondo, des fois, j’ai envie de rire comme Bourvil, parce que lĂ , c’est sĂ»r, la France va marcher beaucoup moins bien.

J’ai trouvĂ© hier un document pour expliquer tout ce qui se passe. Cela s’appelle le Bathsheba Syndrome des leaders. Je voulais arrĂȘter d’Ă©crire, mais je crois que je vais tenter de rĂ©flĂ©chir Ă  la solution de Nathan proposĂ©e dans le Journal of Business Ethics. Je suis absolument persuadĂ©e que les AmĂ©ricains ne se l’appliquent pas Ă  eux-mĂȘmes, mais justement, c’est l’occasion de faire d’une pierre deux coups. Je me donne donc un peu de temps pour y rĂ©flĂ©chir. D’ici lĂ , un peu de musique pour la fanfare. Les majorettes sont quand mĂȘme une tradition trĂšs française qui s’exporte trĂšs bien.

Bathsheba-Syndrome-and-Nathan-Solution

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