Religions

Je ne sais pas par où commencer ce post. Je voulais écrire dans le calme il y a quelques jours, puis il a fait beau, j’ai fait autre chose. Hier il a plu, je n’ai pas trouvé le temps, un “truc” à finir, quelque chose de plus excitant, de moins fragile, moins sensible, moins pète en l’air, mais aujourd’hui, j’ai de la colère, et tout soudain, cela devient facile, ça sort et je ne sais même pas d’où ça vient. Je voulais en parler pour dire des choses gentilles et aujourd’hui je sais que je vais dire des choses ignobles, des choses qui choquent, et finalement, c’est peut-être cela la vérité, l’ultime retranchement. Je suis en colère pour plein de raisons et je crois que c’est l’amalgame qui déborde, le sentiment que mon injustice raisonne ailleurs avec le même sentiment d’impuissance alors un cri, un tam tam, un petit nuage ou un chien qui aboie, la caravane ne passera pas sans faire de bruit.

Il y a eu les cambriolages, puis mon initiative de faire un site internet pour réunir mes voisins et principalement mes voisines, lancer des alertes, se prévenir entre nous, être au courant. Et puis il y a eu les mots de mon propriétaire presque menaçant à mon égard, puisque c’est moi qui ai créé la plateforme. Les autres qui ont voulu cette plateforme avec moi ont tout d’un coup disparu, les lâches, c’est presque un guet-apens. Quand je dis presque menaçant, ce sont ses propos mielleux, flatteurs mais inquiétants. Et puis aujourd’hui il est venu me voir avec un contrat, loyer augmenté de 86.66%, menaces, etc… tout dans le ton du bénéfice, parce que “c’est pour ton bien”, “dehors il fait si froid”, “si on va au tribunal”, “quand tu seras une artiste reconnue”, “ici, je ne prends que des femmes”. Il m’a parlé de la Kabbalah, sa discussion avec le rabbin, ses histoires et quand je lui ai parlé des miennes, il m’a coupé pour me dire que ça ne l’intéressait pas. Même pas de civisme, même pas de politesse, cet homme avec ses histoires me parlant de la Russie et de l’Ukraine pour me dire que c’est ça son problème. Son regard défiant, cherchant la faille pour m’écraser et m’humilier. Comme Christophe Colomb, j’ai découvert l’Amérique et Dieu m’en est témoin.

Ça fait au moins trois fois que je lui dis que je n’ai pas eu besoin de lui pour être reconnue comme artiste, je le suis déjà. Je suis la première femme cartooniste à être entrée dans un musée juste à côté de Napoléon, ce que je considère comme l’évènement le plus important de ma vie. Je suis au Musée des confluences qui représente l’autre événement important de ma vie car c’est au prix de beaucoup d’efforts avec quelque chose que je n’ai pas fait seule, mais qui n’aurait pas pu être fait sans moi. C’est ma vision, mon apprentissage scolaire, ma formation, mes lectures qui ont donné naissance et rendu possible ce travail et j’en suis fière, parce que c’est ma culture, et c’est aussi la culture de ceux, dits “primitifs” qui m’ont fait confiance dans ce projet. J’ai si souvent parlé de la France à des gens qui n’étaient pas français. J’ai fait aimer la France à des gens qui avaient haït ce pays. Et puis quand même, je suis à l’UNESCO. Ce n’est pas un musée, mais ça le vaut bien car si on m’a piratée, c’est aussi pour la vraie valeur de mon travail. J’avais inventé une méthode que Jacques Dumarçay avait trouvée “nouvelle” et il voulait que j’écrive un article sur cela parce que j’ai réussi à trouver des informations qui allaient disparaître, du vocabulaire, de la mythologie, des gestes, des outils qui sont aujourd’hui inscrits dans la liste de l’ICOMOS. Les bombes de Paris ont broyé mes mots, mais j’écrirai l’article plus tard, peut-être, un jour. Enfin, je viens de recevoir en Décembre mon attestation du Musée du Luxembourg. C’est officiel, je suis une artiste et la prochaine étape, c’est moi qui la choisirai. Pas lui, pas cette laideur de l’homme cupide qui ne sait parler que d’argent pour le prendre, toujours pour prendre. Combien de fois ont-ils volé mon salaire? Je ne parle même pas de ma santé. J’avais deux oeuvres d’art pour lui, je vais les détruire parce que la destruction, c’est aussi de l’art. On l’appellera “le rejet” pour ses 86.66% d’augmentation. La deuxième sera “la colère”, parce que ce mec est un gros dégueulasse, un vampire.

Il dit que je suis une artiste, que “c’est ça” ce que je suis. Je lui ai répondu qu’avant tout, je suis architecte et que je suis aussi chercheur et écrivain. Il m’a regardé de haut comme si sa tête allait tomber en arrière et il a repris sa cantique comme s’il fallait me convaincre. Je ne suis pas une artiste, je n’aime pas être avec les artistes et je n’ai pas de talents. J’ai juste certaines capacités à faire certaines choses quand j’en ai envie. Et pour en avoir envie, c’est simple, il faut que je me barre d’ici, de cet environnement nauséabond de menteurs, de voleurs et de médiocres. En 2019 je voulais partir, j’ai pas pu. En 2020 j’ai essayé de partir, j’ai toujours pas pu. J’ai l’impression d’être dans une prison où l’on voudrait me réduire au silence mais si j’ai réussi à quitter la France, je peux encore voyager. Puisque c’est ça leur deal avec l’artiste, la plumer, la dépouiller et la servir en pâture. Moi et mon chat, on peut partir ensemble et je serai là après, pour les juger à mon tour. Pour moi, le rendez-vous d’Octobre avec le juge d’immigration n’est pas un rendez-vous manqué. Ce juge-là a fait l’aveu de ne pas me voir, il ne me verra pas en Avril. On veut me faire payer d’être française. Je serais musulmane avec une burqa, j’aurais déjà une carte verte mais parce que je suis française, ce sont des humiliations constantes. Il arrive un moment, ça suffit, je fais mes valises et je pars.

Juillet 1995. Je me souviens, murée dans le silence de mon appartement Parisien avec ces hommes en bas de mon immeuble. Ils n’étaient pas là avant. Ils se sont mis à me suivre en lisant le Coran écrit gros en vert que je vois bien, parlant fort Arabe que j’entende bien et marchant juste derrière moi que j’entende leur souffle. J’avais peur, je ne comprenais rien. Un jour, j’ai pris un netsuke dans ma main, cela représentait une colombe d’ivoire et tôt le matin vers 5 heures, je me suis mise à courir vers le Quai d’Orsay. J’avais des choses à dire à la police. Ils m’ont prise pour une folle. Je leur ai montré le journal que j’écrivais pour le Général, il y avait les dates, les évènements, ils m’ont regardée, sombres et m’ont demandée de partir. Toute la prêtrise de la police en habit de noir, l’indiférence.

La religion est ensuite devenue un terrain de guerre où ma vie basculait dans une dépression sans nom, mais les mots sonnaient comme des gongs me ramenant à cette date de juillet 1995. A ces dates devrais-je dire, le musée, le café, les menaces de mort, des menaces presque gentilles, presque imperceptibles, presque jouées. C’était déjà Hollywood à Paris, le sourire que ces gens-là mettaient au coin de leurs lèvres pour dire des choses moches, la blonde qui me menaçait, ces peaux brunes qui me suivaient dans la rue. Je ne sais même pas ce qu’ils disaient en Arabe mais j’avais peur parce qu’ils marchaient à peine un mètre derrière moi.

Je n’aime pas Hollywood. Je n’ai jamais aimé Hollywood qu’au cinéma, dans les vieux films, les vieux classiques derrière mon écran. J’ai Youtube Premium pour les classiques, mais pas de télé, pas de show, pas de walking deads. Quand j’habitais à Westchester, j’ai fréquenté des gens d’Hollywood. Quand j’habitais Marina Del Rey, un peu plus qu’ailleurs. J’avais un bateau, un 40 foot dans la partie des “waves”, de quoi houler du popotin, mais j’étais pauvre sur un bateau extérieurement de luxe. Intérieurement, mon proprio avait laissé un bordel tellement monstre que je louais déjà trop cher. L’abus du logement, la honte du logement, la carotte du logement. Quand il peuvent la gigoter cette carotte, ils sont prêts à tous les abus. Ce qui est choquant c’est que ces gens-là parlent en même temps de religion, de leurs croyances, Dieu et tout le bataclan. Quel mot pour le dire, on voit les cadavres jetés à la mer dans le sillon de l’huile des moteurs de bateau. C’est une marée noire sans odeur, du pétrole désaromatisé, même pas la mort avec ses asticots et ses mouches, la peau décomposée.

L’Amérique me choque avec ses bondieuseries, le petit Jésus par-ci, le grand Jésus par là, Amen et j’en ramène plein les tabourets de prière avec le petit David dans la crèche. On oublie qu’il était roi, qu’il symbolise une monarchie, que ce sang en fait couler d’autres et que le féodalisme a un nom. Il faudrait dire les choses sans les dire, l’Islam porte si bien le martyre que tous les blâmes sont permis. Pourtant, le rôle des femmes, leur statut, leur soumission a une histoire, comme celle des lois, des textes, des architectures. C’est en m’intéressant à cette histoire là que j’ai vu que les femmes juives portaient des perruques et pourtant, elles ne montrent pas leurs cheveux. L’histoire des femmes en dit tellement sur ce que sont devenus les hommes, à quoi ressemble une femme sans perruque lorsque ses cheveux ont cessé de pousser, le dedans, le dehors, la beauté, la beauté cachée. J’ai vu des femmes juives se prendre pour Nefertiti alors que des rabbins égorgeaient des brebis, et là se pose la dimension du temps dans l’histoire. J’ai vu des hackers fabriquer des drones et tandis que leur barbe trempait dans le café, je me demandais pourquoi. Que cherchent-ils à préserver? Est-ce les traditions, l’identité, la pureté du sang, le statut social, le pouvoir financier, l’humanité? C’est quoi?

Quand j’ai voyagé en Indonésie la première fois, j’étais pleine de préjugés. L’Islam, les musulmans, des barbares. J’imaginais les cannibales Batak presque plus gentils, plus faciles, plus malléables. Il a fallu qu’un Imam m’offre 5kg de viande à Noël pour que j’apprenne à ouvrir les yeux, fêter Noël avec des Musulmans qui joue de la guitare sur une plage du lac Toba en apprenant “Les Copains d’Abord” en français et en brulant des pneus, c’est pas le genre d’idée que j’avais de l’Islam. Plus tard, j’ai appris que pour acheter un maillot de bain, il valait mieux aller au marché avec un homme et que les musulmans ont peur des fantômes la nuit ce qui allait me rapprocher de Dieu définitivement. Dieu la nuit avec des lumières et des ombres, c’est formidable. Les regarder jouer aux cartes et gagner aux échecs, c’est une autre forme de bénédiction toute relative, le houhou français. J’ai gagné ma chambre dans un bouiboui en gagnant deux parties d’échecs, moi qui ne joue jamais.

J’ai raconté des légendes de mon pays, inventé, la France en mieux. Comment expliquer la Tour Eiffel à des gens qui ne construisent que des totems, ils imaginaient mes ancêtres, leur peuple, cette grande famille. J’ai cuisiné, inventé des recettes, managé une armée de femmes toutes employées à couper des carottes pour un méga boeuf Bourguignon. Un jour, j’ai été vendue à un ingénieur chargé de bijoux et le pauvre croyait que je ne comprenais pas. Il a suffit que je lui parle de Dieu pour lui montrer mon nuage, ce tapis de rêves où j’allais repartir. Moi, je voulais quelque chose de géant, la vie en grand, devenir écrivain, chercheur, explorateur. J’aurais claqué ses bijoux dans mes poches au milieu des cailloux que je ramasse par terre, un pète aux doigts, trois pètes au casque, il aurait vite compris qu’on ne m’attache pas avec du papier. Et les religions ne sont que ça, du papier, de l’écrit, des textes, une façon de raconter aux foules ce que peu de gens peuvent comprendre. C’est en tout cas ce qu’ils voudraient que l’on croit, que la réalité est plus grande que notre imaginaire alors que cet imaginaire qui les fonde, c’est la pierre édificatrice de l’histoire, si simple en fait.

J’en veux au Catholicisme d’avoir infantilisé le peuple et je n’oublie que l’Islam est un schisme Chrétien. Je n’ai pas lu le Coran et ne le lirai jamais. J’ai acheté la Bible il y a bien longtemps, j’ai lu les premières pages et je l’ai jetée quand tout venait à dire que les juifs étaient coupables. Pourtant, aujourd’hui à Hollywood, les petites choses de la vie me montrent comment je suis étrangère et comment un mur invisible crée des différences. Finalement, je me sens presque plus proche des constructeurs de mosquée, des Hassan Fathy qui construisent avec le peuple que des constructeurs de temples, parce que les mosquées sont ouvertes sur un imaginaire que je cherchais. Les coupoles sont bien plus parlantes que les minarets. Elles traduisent une histoire Islamo-Chrétienne qui m’intéresse. L’aspect coercif et judiciaire des temples m’intéresse moins, parce que c’est une parodie de justice que je retrouve à Hollywood, le Judge Judy show pour tout tourner en dérision. C’est en fait au travers d’Hollywood que je vois cela, la dualité des attitudes où le rire peut faire pleurer.

Je me souviens d’une petite mosquée verte à Banda Aceh, tous près d’une librairie dont le libraire avait sauvé pour moi des livres sur les femmes Sultanes. Pas loin, un antiquaire avait gardé pour moi un sabre et un couteau. Dans ce monde étrange, je découvrais le monde du Professeur Denys Lombard ravagé par la boue du tsunami de Décembre 2004 et quelque part un café Zinedine Zidane où des familles venaient s’attabler. Il y avait de la France dans cet Islam là des vieux quartiers de la ville. Il y avait de l’amour aussi, celui d’un père qui un jour m’a dit, “ici, tu es comme ma fille”. Je ne peux pas regarder les palaces d’Hollywood sans penser aux expropriations, les Arabes humiliés, l’Afrique tellement martyrisée et puis moi aussi dans tout cela à recoller les morceaux.

En 2017, je voulais faire un Think Tank sur l’Afrique (ma page préférée). J’avais envie de casser la gueule des mots, ceux que les journaux racontent à côté des images. Ces images, je les vois terribles, tout comme j’imagine les femmes violées, tabassées, exploitées, qui croyaient que l’Europe sauverait leurs vies. Ces femmes-là ne respirent plus que dans la mort. Le coronavirus est un exalt pour finir le sale boulot. Comment se réveiller après cela pour raconter Dieu. Comment les prêtres, les Imam ou voire les Rabbins, si éventuellement le sort des peuples les intéresse, comment les hommes et les femmes de foi peuvent-ils raconter Dieu?

J’ai écrit la géométrie pour cela et ce n’est pas une excuse. J’ai cherché un langage universel. La géométrie est le premier langage parlé par les enfants. Les enfants reconnaissent les carrés, les ronds et les triangles avant même de dire Papa, Maman. Ils s’éveillent au monde avec des lumières et des formes attachées à ces lumières. La géométrie les rend simples comme une architecture qui leur donne l’échelle du “moi”, la révélation de l’existence. Ce langage universel vient de très loin, partiellement de l’Egypte, les Juifs se le sont approprié mais comme Joseph s’est approprié une façon d’être Vizir tandis que ses frères mendiaient sans le reconnaître. Lequel Joseph inspira la Bible est sans doute une question de point de vue et dans le langage universel, ce que je cherche, ce sont ceux dont l’esprit s’ouvre à d’autre chose que du papier. Le papier, c’est deux dimensions. Moi je crois aux trois dimensions de l’espace et à la quatrième dimension du temps. Je pourrais ajouter une autre dimension démontrée dans mes dessins, c’est celle de la transversalité et encore une autre qui est celle de la rationalisation, le fait de travailler avec plusieurs ratios en même temps, différentes valeurs de 1. Tout mon travail a consisté à travailler dans 5 espaces alors que les religions n’ont pas fait ce travail, elles l’ont traduit à partir de textes qui leur avaient été donnés et souvent interprétés pour rentrer dans le prisme culturel, et un prisme est toujours déviant. Cette déviance pourrait être une dimension, c’est ce que fait Hollywood avec des lentilles de caméra, mais c’est aussi là le danger car en limitant les points de vue par le prisme, on arrive à une forme de dirigisme où 2 succède à 1 et 3 succède à 2. Il y a un premier, puis par conséquence un dernier. Mon point de vue est de dire que Dieu représente une autre subtilité bien plus universelle.

Hollywood développe une énième dimension, celle de l’imaginaire, mais un imaginaire sournois. Tout sourire, les gens demandent partout comment ça va et en fait, ils s’en foutent alors je leur réponds “bien, et vous?”. Ils sont toujours un peu surpris, marmonnant un truc ou deux quand ils sont polis. La plupart du temps, ils tournent la tête et toutes les relations sont comme ça, car en fait, ils demandent comment ça va devant leur caisse enregistreuse, comme une façon de distraire, pour faire payer avec le sourire. Tous les magasins sont un peu comme Walibi à la fin du airboat trail, “souriez, c’est pour la photo” et pendant que tu sombres dans la question de savoir si ça va, cherchant la carte bancaire ou un peu de cash, le tapis se déroule sans qu’on puisse compter. D’ailleurs, ils sont très surpris quand on leur dit qu’il y a un problème dans le total parce que la plupart du temps, les caissiers, caissières ne parlent même pas anglais. La seule chose qu’ils connaissent is “how are you?” et “have a good one”, matin, soir après-midi. J’ai 5 cartes de débit, toutes à zéro plus ce que je crédite pour faire les courses, 15 dollars, 10 dollars, parfois que 5 dollars. Comme les prix sont affichés sans les taxes, il arrive d’être surpris et comme je suis de l’ancienne génération qui vit sans téléphone portable, ben… faut en enlever. Et là, c’est formidable comme toute la culture Américaine apparaît.

J’ai remarqué au travers les années que les riches n’aimaient pas les pauvres ce qui pour moi ne paraissait pas si évident parce que pour moi, quelqu’un de pauvre, c’est une personne soit qui n’a pas eu de chance, mais cela peut être aussi un penseur. Les bouddhistes mendient et il ne me viendrait pas à l’idée de les mépriser. Ici à Hollywood, ils méprisent. C’est d’ailleurs, je pense, l’une des raisons pour lesquelles les Chinois haïssent les religions car les penseurs, les artistes, les écrivains, les prêtres sont pauvres d’ordinaire et sont souvent obligés de mendier. Avec les juifs, c’est autre chose, l’aide qu’ils accordent est une grâce pour eux mais dès que l’on veut autre chose, par exemple dire “ben je suis aussi architecte, ou je sais faire cela”, l’aide qu’ils pourraient apporter devient un outrage. C’est comme si le mot “Goy” était marqué sur mon visage. Que je fasse de la couture, ça va bien. Que je fasse du jardinage ça va bien. Mon voisin me disait l’autre jour quand je lui faisais remarquer que toutes les nounous étaient immigrées, qu’effectivement, avant, les nounous étaient blanches. Mon autre voisin, quand il me questionne sur un site internet que j’ai fait, il veut bien des renseignements, mais jamais il ne me donnera le job parce qu’il y a une ligne invisible qui est là presque infranchissable. Je n’avais jamais vu cela avant, mais mon avocat en PI à Paris était juif et avec lui chaque minute était facturée. J’avais un autre avocat PI en périphérie de Paris et ce qui comptait pour lui, c’était d’avoir le brevet. J’ai effectivement eu mes deux brevets français avec mon avocat de la banlieue parisienne. Je n’ai jamais eu mon brevet Américain avec mon avocat de Paris. Sans se poser de question, les choses arrivent comme cela et lorsque cela en fait beaucoup, on se dit “ben merde, qu’est-ce qui se passe?“. C’est un peu comme le film Casino Jack, George Hickenlooper meure quand même à la fin.

Une chose que j’ai vue avec l’Islam, c’est l’effacement de l’histoire et tout récemment, je me suis posée la même question au sujet de la Bible. Est-ce que la Bible, en fait, ne consiste pas à écrire une version de l’histoire pour effacer toutes les autres. Même chose avec la Torah. On voit que l’effacement permet de s’accaparer le passé mais comme un “great reset”, de le remettre à zéro. J’ai commencé à écrire et compiler des idées sur l’histoire en me servant de la ville de Los Angeles comme support. Au travers les lieux de Los Angeles, j’emmène le public dans une immersion de l’espace qui peut être religieux ou pas, mais que je rends religieux comme du Readymade, parce que le lieu inspire quelque chose et d’un lieu à l’autre, je veux emmener le public à comprendre le sens de Dieu et la responsabilité que cela donne aux hommes et aux femmes. L’humanité n’offre pas que des droits, elle offre aussi des devoirs, hors, dans ce désir d’humanité, toutes les religions ne sont pas pareil. Le Judaism, d’ailleurs, ne se définit pas comme une religion. Le Bouddhisme également, ne se définit pas comme une religion et il est intéressant qu’ayant des lieux de culte et des rituels, certaines personnes veuillent se détacher de l’idée de religion. L’histoire questionne cela parce qu’au travers les lieux de culte et les rituels, il y a la mémoire et le rapport des individus à la mémoire. La Shoah par exemple n’est pas qu’un moment dramatique de l’histoire. On le voit encore en 2021, c’est un moment de construction où le pluralisme juif à travers le monde s’assemble et s’unit dans la mémoire. C’est d’ailleurs l’un des principaux reproches que je fais au Judaism français, que de vouloir faire croire que le Judaism est uniforme. Il ne l’est pas, et il y a dans le Judaism autant d’extrêmes que dans l’Islam, le Catholicisme, le Protestantisme, le Bouddhisme, l’Hindouisme et toutes les autres religions. Je considère que la finance est l’un de ces extrêmes, que si on veut pouvoir parler de guerre économique, il faut alors oser parler d’argent parce que l’argent est un élément culturel, il faut frapper monnaie, on ne paye plus en cauris.

L’identité religieuse est à mon sens un questionnement fondamental et l’on voit bien au travers les deux histoires du Bouddhisme et du Judaism qu’il y a chaque fois un lien à la terre. Pour les juifs, c’est Israël. Pour certains Bouddhistes, c’est le Tibet et la deuxième vidéo ci-dessus l’explique très bien, les religions n’ont pas de droit à la terre tandis que les peuples l’ont. Il faut donc se définir en tant que peuple pour exister et c’est un changement qui est advenu dans l’histoire, ce n’est pas une évolution, mais quand cette notion de peuple émerge de nulle part comme les pâquerettes dans un champs, cela donne un cheval de Troie remarquable puisqu’alors le champs devient un champs de pâquerettes comme c’est le cas de nombreux quartiers qui ne s’identifient plus par leurs sols, mais par leurs peuples. Cela affecte les notions de droit, de légalité, les notions d’identité culturelle, la notion d’intégration ou de désintégration, le simple vouloir être d’un endroit ou d’un imaginaire et pour avoir expérimenté les voyages ethnographiques, l’immigration forcée, le sentiment d’esclavage, l’imaginaire devient tout puissant face aux souffrances. L’argent ne prend plus le même sens non plus et comme font les mafias dans les quartiers pauvres, le crime se justifie par la redistribution de l’argent. D’abord les mafias donnent pour développer leur milieu, puis elles reprennent pour s’étendre et se déployer. Quand une terre est à reconquérir, l’argent des uns passe entre les mains des autres et tout cela, pour une idée de bien commun comme du caoutchouc passe dans les pneus. J’ai vu en Indonésie les petits propriétaires sur le bord des routes vendre les blocs de caoutchouc au plus offrant. Moi j’ai grandi dans un pavillon de banlieue avec une mère secrétaire chez Michelin. Entre l’Indonésie et la France, le globe n’est pas terrestre. Il est idéologique.

Après le tsunami de Décembre 2004, je suis partie comme volontaire à Banda Aceh. Je pourrais raconter et re-raconter encore mes aventures tant elles ont été nombreuses et rocambolesques, mais je me suis forgée une identité là-bas, petite française, la main sur le coeur qui conduit sa moto sans casque tous cheveux à l’air avec deux drapeaux Indonésiens accrochés au guidon. J’ai atterri dans la maison luxueuse d’un Général Indonésien avec Dupont et Dupont, Alexandre et Denis. Denis a d’ailleurs été mangé par les requins. Alexandre était Colonel à Bruxelles dans la communication. Je n’avais rien de très commun pour aider leur mission à l’AMM et justement, j’étais une femme. On m’a parachutée sur un camp de 732 personnes infiltré par la Jamia Islamia, et là débrouille toi cocotte avec tes prières parce que les gens étaient en colère, puits pollués, la dengue, le choléra, la faim, le désespoir, la guerre et un cas de Burger Disease où le pauvre gas à failli se faire luncher. J’avais un peu d’argent par l’ambassade, arraché en pleurant, tout juste à peine 1000 euros. On m’avait dit que ma vie ne valait que 100 euros côté français et 3500 dollars chez les Néo-Zélandais, par mois. La France ne savait pas compter aussi loin jusqu’à 12 donc c’était 1000 en tout et pour tout. Quoi faire?

Cela paraît bête à dire, mais j’ai essayé d’être honnête. J’ai rassemblé tout le camp et puis je leur ai parlé. Cette image, je l’avais dans ma tête depuis cette video des récipients à cauris, le sage qui parle à son peuple comme une mère à ses enfants. En fait, je ne voulais que le bien. J’avais bien vu le désespoir des mères, les orphelins, les vieillards et il m’aurait été facile de haïr ces Musulmans là, de leur parler du châtiment de Dieu, de la colère céleste, de la honte qui pesait à cette époque là sur leurs épaules. Certains religieux l’auraient sans doute fait, certaines ONG ont tenté de diffuser des Bibles d’ailleurs. Une ONG française a même enseigné la chanson “Savez-vous planter les choux” aux enfants musulmans du camp, d’où la colère et la haine de la France. A la même époque, le gouvernement français interdisait le voile Islamique dans les écoles françaises. Moi, j’étais au milieu de tout cela à demander aux guerriers de rendre leurs armes. C’était comme parler à des cow-boys. Ca paraît drôle dit comme cela, mais j’ai travaillé avec les Imams. Je leur ai mis des appareils photos entre les mains lorsque j’avais des réunions, je les ai emmenés avec moi faire les démarches administratives et je leur ai dit que je ne ferais rien pour eux, mais que je pouvais les mettre sur la voix pour que leur enfants aillent à l’école, pour qu’ils reçoivent l’argent du gouvernement, pour qu’ils reçoivent de l’eau, des soins et de la nourriture. C’était à eux de faire les efforts et j’ai ouvert une bibliothèque avec une imprimante pour les aider. Avec un libraire du centre ville, j’ai compilé une liste de livres Halal en fonction des questions que les gens me posaient. J’étais devenue comme une sorte de confidente, les pères, les mères, les enfants me parlaient de leurs problèmes, alors je rapportais des livres “comment flirter”, “comment se marier quand on est pauvre”, “comment réparer une moto”, “comment planter un jardin”. J’avais ramené de France des graines de fleurs et de légumes. Ils ont compté et divisé toutes les graines à parts égales, les radis, les salades, les tomates. Les veuves ont pris des fleurs pour faire leur deuil et les orphelins ont appris à voir les fleurs renaître. Je leur ai même écrit une chanson.

Progressivement, j’ai glissé l’idée d’autre chose, d’un endroit où les maisons poussent comme des champignons, où les enfants courent en chantant, où les docteurs les soignent, où l’eau sent bon, où l’eau prend le goût et la couleur des sirops, où l’on peut rire des choses et parler vrai. Dans cet imaginaire atteignable, il y avait de la place pour tout le monde. Aucune démographie ne pouvait dire que le camp était trop grand, trop large, trop ingérable. On s’est organisé et personnellement j’ai fait comme si Jamia Islamia n’existait pas. Je les ai ignorés comme j’ignore le Coran parce que je ne veux pas aller dans ce jeu de comparaison et dès le départ, j’ai mis les cartes à plat, journalistes, articles et publications. Je n’étais pas là en secret et je n’avais rien à cacher. Quand le leader religieux du PKPU est venu me voir pour la première fois, il était flanqué de deux molosses, a refusé de me serrer la main et m’a demandé ce que je faisais là. Comme dans les boutiques Américaines, j’ai dit “ben moi ça va, et vous?”. Il a été surpris. Le temps de retrouver ses esprits, il a consenti un rendez-vous où nous pourrions parler calmement de ma “mission” pour l’Ambassade. Lui aussi je l’ai emmené vers l’idée d’un autre imaginaire où l’on pouvait parler.

Un jour, l’un des petits du camp est venu me voir, il devait avoir 6 ou 7 ans et il m’a dit “les blancs, il faudrait tous les tuer”. Je lui ai alors expliqué que j’étais blanche et je lui ai posé la question, savoir s’il voulait me tuer. Il était confus, il me parlait de la Palestine, quelque chose dont ses parents, ou les amis de ses parents avaient dû lui parler. Je lui ai demandé s’il savait où était la Palestine, et avec ses mots, il m’a parlé de la terre Sainte, du droit des Musulmans à la terre Sainte. Progressivement la notion de territoire qui définit les peuples se transforme en idéologie comme on donne ou l’on retire de l’eau. Hors, quoi de plus vital que l’eau.

Je pense qu’il y a 2021 ans, les questions que l’on se pose aujourd’hui existaient déjà. C’est celles des droits des peuples avec toutes leurs complexités de jeux de pouvoirs où l’esclavage, parfois, dépasse l’imaginaire. J’ai trouvé en 2016 un livre qui, je crois, résume bien les questions qui se sont posées à cette époque et ce pourquoi le Christianisme fut inventé comme une idée, ou plutôt des “idées” pour en reprendre l’éthymologie. En 1119, les “idées” sont les “formes des choses présentes de toute éternité en Dieu” et en cela, il n’y aurait pas de balance sans Archimède parce qu’Archimède s’est inspiré des “formes” de la géométrie pour établir des lois. Celle du papillon est simple, c’est que les petites actions peuvent avoir de grands effets. Si on renonce à l’idée que le monde peut être meilleur sous prétexte que c’est trop compliqué, alors le petit geste quotidien ne peut jamais grandir, mais si on fait l’effort d’y penser, alors la ritournelle chante. La vraie question, c’est quoi “meilleur”. Un ancien premier ministre Israélien avait dit c’est le moins pire, mais qu’est-ce vraiment “meilleur” si on ose aller jusqu’au bout?

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Pour moi, “meilleur”, ça veut dire des peuples qui regardent dans la même direction pour sourire des mêmes choses et s’émouvoir de concert, comme au cinéma. Ce sont les larmes de l’intérieur qui viennent pour les bonnes choses, celles qui donnent vie à l’humain. “Meilleur”, ce sont les efforts que l’on conçoit pour y arriver. “Meilleur”, ce sont aussi des règles, des droits et des devoirs, des champs de possibilités où à côté des pâquerettes, fleurissent les coquelicots. Si j’étais paysan, si j’avais du bon sens, pour que mon champs soit meilleur, il serait varié parce qu’au milieu des vaches, il y aurait des chèvres et peut-être des abeilles, voire même des crapauds. J’aurais un Almanach avec des saisons parce que c’est plus facile de connaître le temps quand on connaît les saisons. J’aurais des jours et des lunes, comme toutes les femmes, et j’aurais un Noël pour compter le premier et le dernier jour d’un cycle où la lumière, les plantes, les oiseaux renaissent. Ce qui est drôle, c’est qu’à l’époque où les peuples immigrent, certains soient tellement attachés à leurs sources, comme des saumons qui imaginent les montagnes et qui remontent les ruisseaux. L’imaginaire fonde le collectif jusqu’à la source, puis il meurt. Quand les œufs éclosent, c’est pour retourner à la mer. Alors c’est quoi “meilleur” quand on est saumon? Moi un jour, j’ai été truite et ce souvenir du sable, de la luminescence de l’eau, la fraîcheur, la liberté m’ont donné de la joie, puis je me suis réveillée dans mon lit comme un Castaneda avec un crayon et un cahiers. Je n’avais rien fumé, je le jure, j’avais juste rêvé, mais si loin, et le rêve, c’est aussi une forme de choses.

Les sociétés modernes se sont méconnues et puis elles se découvrent par surprise. Soudain, le poids de l’histoire est là, maladroit. Je me suis souvent posée la question de savoir pourquoi le plus haut responsable d’EDF était d’une des 12 tribus d’Israël, puis il y a l’histoire, Osirak, la mafia française. Je me suis aussi posée la question de BHL et Attali toujours agacée. Qu’est-ce qu’ils font là, qu’est-ce qu’ils cherchent, qu’est-ce qu’ils manigancent avec les guerres. Puis maintenant, il y a Zemmour. Ah, Zemmour. Je revois en lui l’incapacité de certaines personnes à vouloir compatir. Combien de fois ai-je parlé des sans-abris à Los Angeles et combien de fois m’a-t-on répondu que ces gens-là ne voulaient pas s’en sortir. Ceux qui ne veulent pas voir ne manquent pas d’idées, et ils parlent des pauvres d’Amérique comme ils parleraient des Palestiniens, ils sont là, mais ils ne devraient pas y être.

Moi aussi je suis pauvre et on me dit que je devrais devenir artiste, que je pourrais faire $350,000 par an, on me promet et on m’entourloupe pour me plumer. Je regarde, comme la brebis dans la coupole. Je regarde, avec tristesse cette laideur-là des gens qui par-dessus tout me parlent de Dieu, de religion, des bonnes choses de la foi, eux qui ne sont pas une religion. Il faut, il faudrait, tant de déclinaisons pour entuber. Certains sont dans la plomberie de naissance parce que c’est le paradis sur terre, ici et maintenant. Comme des docteurs, les anciens sages ont créé des concepts pour soigner les travers de l’homme mais au rhume, certains prennent des anti-diurétiques et à la constipation des bonbons pour la toux. La religion, c’est parfois comme un docteur sans le pharmacien avec un malade qui s’auto médique, mais c’est parfois aussi une usine. L’argent est devenu comme une Bible imprimée sur une seule feuille et en plusieurs langues pour des malades analphabètes. En fin de compte, la “bêtise” vient de la bête. A savoir si comme les saumons elle y retourne.

Aux Etats-Unis, il y a ceux qui disent que la terre promise, c’est l’Amérique et puis il y a ceux qui disent que c’est là-bas, et “là-bas” est un imaginaire sans rival qui rejoint l’imaginaire sans rival de l’Ordre Nouveau, the New Order avec à la tête, les juifs, la finance, le pouvoir et en dessous, les autres, toutes ces religions interdites que l’histoire termine par les guerres, les crises, le chaos. Le chaos n’arrive qu’en bas. Tout en haut, c’est le paradis.

Quand je suis arrivée à Los Angeles, j’ai voulu faire ce que j’avais fait en Italie quand je n’avais pas d’argent, aller chez les soeurs, rester au monastère quelque temps, l’histoire de trouver du travail, un logement. Los Angeles n’est pas Venise, il n’y a pas de Giudecca. Rien que ce mot est fantastique, la “Giudecca”. On aurait pu l’écrire la “Jewdecca”, l’île des juifs, une île d’orfèvres et de diamants. A Venise, il y a des nonnes qui gardent des enfants pendant la journée et louent des chambres à la nuitée. En fait de chambres, ce sont des dortoirs de jeunes filles. A Los Angeles, il y a un somptueux monastère avec huit nonnes en plein Beverly Hills, et elles ne servent à rien. Je veux dire, qu’à l’époque où je cherchais de l’aide, elles n’aidaient en rien et je crois que cela n’a pas beaucoup changé. Je leur ai écrit, elles n’ont jamais répondu. Faute de monastère, j’ai atterri dans un motel où des dealers vendaient de la drogue, où la chambre d’à côté était mixte, mi pute, mi sans abri et de la violence un peu partout. C’était “Venice”, mais le Venice Californien avec une Jewdecca façon Hollywood et un Catholicisme de cosmonautes. Pour y entrer, faut planer à 5000. Moi j’ai jamais été au-delà de 3600.

Hollywood est cloisonné en quartiers avec des niveaux façon Chartres, mais tandis qu’en dessous de Chartres les niveaux descendent vers les entrailles, ici ce sont les étages qu’il faut monter. Par défaut, on est tout en bas, sauf ceux nés à Hollywood, sauf ceux qui ont de l’argent, $750,000 d’entrée pour une carte verte et puis après, il y a le coût de la vie, le logement, les restaurants, les spectacles. C’est comme si toute la ville avait été bâtie sur des collines et juste en bas, tu peux mettre ton tapis de prière, mais tout de suite, ça devient suspect. Le travail est reconnu, oh ça, faut pas se plaindre, on m’a même demandé de rallonger des manches pour une journée de travail à $18. Il y a des opérations techniques presque plus faciles à faire sur de la chaire fraîche parce qu’avec 3 zéros de plus, t’entaille le jarret pour un laid de peau. Avec le coton, c’est plus difficile de trouver la même couleur. Trouver sa place, quand on immigre commence par trouver son prix, ce que l’on vaut aux yeux des autres dans leur échelle de valeurs. Moi, je me suis toujours heurtée au deuxième ou troisième barreau de l’échelle sans jamais toucher le plafond alors le glass ceiling, j’en parlerai pas, mais j’ai vu dans la marina des hommes faire le trottoir en me regardant pendant des heures bouche bée. Il n’avait jamais vu une blanche avec un chapeau de paille, une chemise rose et des bottines en cuir pour gratter le pont d’un bateau. Après avoir décollé la peinture, ils n’avaient jamais vu de chaussures bilingues non plus, d’ailleurs les chaussures, avec le réchauffement climatique, c’est un nightmare. Si tant est que tu oublies tes godasses dans la voiture, elles cuisent et les semelles se décollent, ce qui fait que classe ou pas classe, tu finis en tongues. Vu que les Britanniques grandissent en short et qu’un grand nombre d’entre eux sont à “Venice”, ils vont jusqu’à la retraite en short en chaussant des tongues. Le paradis, ça commence là, par la simplicité des attentes. Ils ont beau nous parler de l’air conditionné, ils n’ont pas encore inventé l’air conditionné à l’arrêt et à Venice tout ce qui est décapotable, fauteuils en cuir faut oublier. Soit tu te brûles le cul en montant dans la voiture, soit les sans-abris se seront chargés de recycler leurs poubelles, et elles sont nombreuses. Ici, le grand luxe, c’est le char d’assaut, le chameau et le drone. Le luxe du luxe, c’est de ne jamais sortir de chez soi.

J’avais imaginé beaucoup de choses quand je suis arrivée à Hollywood, j’avais beaucoup d’idées, jamais vraiment dans le cinéma. J’ai atterri un jour dans un studio de cinéma en réparant la porte de mon bateau. Un voisin m’a demandé de réparer son bateau, puis son air stream, puis sa maison et il était propriétaire de studio. Un Britannique hargneux qui a voulu m’en faire baver d’être française et ça le racisme, je l’ai trouvé partout. Les seuls, je crois, qui ont maintenu un quota de travail, ce sont les juifs de Venice, Marina Del Rey, Beverly Hills, Encino. J’ai travaillé 3 ou 4 fois à Beverly Hills et je n’y retournerai jamais, je crois que j’y perdrais ma foi en l’humanité. D’ailleurs, parmi le peu de choses qui me manquent, il y a moi, mon humour, mes boutades, mes amis, les longs dîners où les gens arrivent déjà en faisant la fête parce qu’ils savent que ça va être un bon moment. Je suis fine cuisinière, le mari de ma nounou était cuisinier et quand j’ai “carte verte”, j’ai calculé que je pourrais devenir millionnaire avec 10 quiches Lorraine par jour. Le seul problème, ce sont les quotas. Quotas de migrants et puis ensuite quotas d’argent, jamais plus qu’il n’en faut pour vivre au jour le jour. On vous dit que vous serez artiste, alors vous achetez des toiles et des crayons et puis ensuite on vous dit que c’est trop cher, que l’art devrait être universel, gratuit pour tout le monde. Le rêve Américain, je n’y crois plus et de toute façon, je n’étais pas venue pour cela. Il faut être roublard pour vivre à Hollywood, mettre un certain nombre de valeurs de côté pour avancer, coûte que coûte et ça, ce n’est pas moi. J’arrête pas de me faire rouler par des gens sans scrupules et il n’y a jamais rien qui les arrête. Ils vous regardent droit dans les yeux et vous parlent du bon Dieu. Si vous parlez à votre tour ils vous disent franchement, sèchement, que ça ne les intéresse pas, que c’est votre “problème”.

Le “problème”, un concept intéressant à Hollywood quand on voit les 90,000 sans-abris. La mairie a fait des études, ils parlent de moins, 75,000. Je suis allée à un meeting du maire, c’est du Zemmour avec plus de classe. Le maire de Los Angeles ne dit pas que ce n’est pas son problème, parce qu’il ne peut pas le dire, mais il raconte cette histoire à qui veut l’entendre du sans abri au coin de sa rue qui a été à l’école avec lui. Lui est maire, l’autre est sans abri, et il faut expliquer cela à sa fille de huit ans. Quand je l’écoute, quand je vais aux réunions de quartier, je sens la nausée me prendre comme un jour de règles. L’image pour ceux qui ne connaissent pas, c’est de saigner en dedans au point d’en pisser ses entrailles. Je me souviens quand j’étais jeune, j’appréhendais ce moment où il fallait marcher droit alors qu’en moi tout était chaos. Cette douleur, c’est comme la faim mêlée à de la colique un jour de messe. Tu pries le bon Dieu par défaut.

On a tous des moments mémorables pour se rappeler le bon Dieu, et c’est drôle, ce n’est jamais aux moments où j’ai cru mourir que je m’en suis souvenue. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que je suis en vie, parce que j’ai toujours d’abord cru à l’intelligence. Dieu pour moi, c’est une façon de remercier, de nommer l’émotion qui me submerge quand je réalise ce qui vient de se passer. Il y a des moments qu’on ne peut vivre seul et en même temps, il y a des moments difficiles à partager. Ce sont ces moments là où je trouve un ami comme une veuve parlerait à un défunt. Avant, quand j’étais jeune, je récitais les prières en vouvoyant. Quand je vais dans les cérémonies, alors que la foule tutoie Dieu je le vouvoie. Je vouvoyais aussi ma nounou et mon meilleur ami et cette marque de respect m’était indispensable. Quand je parle à Dieu dans ma vie de tous les jours, je le tutoie et ce n’est pas le même à mes yeux. C’est un imaginaire utile à qui je me suis mise à parler pour parler, sinon je ne parlerais plus. Je parle comme Julien Sorel devant son miroir, pour répéter, interpréter, vider la boîte avec toutes ses idées puis remettre de l’ordre. C’est un exercice que je trouve utile et constructif, quelque chose qui m’aide à devenir “meilleure”. A quoi bon attendre des autres quand on peut travailler sur soi, être gentil avec soi, s’aimer, savoir se regarder pour mieux aimer et regarder les autres.

Quand j’étais jeune, je préparais mon bac de philosophie dans un café qui s’appelait le Molière en face du théâtre de Tours. Je regardais les gens et je me souviens avoir écrit un jour “le bonheur, c’est les autres”. J’ai perdu ce bonheur-là. Avant, j’avais des professeurs incroyables, des amis formidables, des projets ahurissants. Tout cela n’existe plus. Mon professeur est mort, puis on m’a piratée, puis je me suis renfermée sur moi même et je me suis construite un univers. J’admirais Lombard, je buvais ses paroles. On m’a ôté cette eau là et ce n’est pas comme une terre, il n’y a pas de route vers les cieux pour retrouver les vieux amis. Dans le temple de Salomon, il est dit qu’il y avait un labyrinthe et le grand prêtre élu était seul à pouvoir y aller. Il s’attachait à la taille avec un cordon tissé d’or, il se couvrait les yeux et avançait à l’aveugle. C’est dans cet univers qu’il trouvait des réponses et c’est ce temple là que les juifs veulent reconstruire, comme si la terre avait un centre, le passage d’un monde à l’autre. Au travers les rituels, ils commémorent le passé et par le sacrifice d’animaux, ils conjurent l’avenir. La superstition est un phénomène très difficile à décrypter mais que je ressens parfois dans mon travail. Parfois, j’ai l’impression d’être employée à des tâches inutiles pour remplir les quotas, comme si en faisant cela, ils nouaient ensemble les brins d’or. C’est comme une prière collective vers ce labyrinthe improbable qui ramène les morts vers le vivant et la question est dans ce que l’on voit. On peut voir le ciel Egyptien. On peut voir le labyrinthe du temple de Salomon. On peut voir le ciel, les astres, les lumières. On peut voir la brebis. On peut voir l’oeil pyramidal. On peut voir une constellation ou une étoile. Toutes les interprétations possibles ramènent à un langage universel et ce qui compte est ce que l’on fait. Ce qui compte est ce que l’on en fait aussi.

J’ai souvent de la colère, un sentiment d’injustice, l’amertume d’être le dindon de la farce. J’ai des voisins comme cela qui se croient drôles et en fait ils ne font même plus rire leurs propres enfants. Qu’est-ce qui fait qu’ils continuent? Pourquoi après avoir sorti une blague, deux blagues, trois blagues et toujours constater qu’ils sont seuls dans leur monde, ils continuent à persévérer seuls. Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce un sentiment de pouvoir, l’impression d’être plus intelligent que les autres? Est-ce que c’est de l’autosatisfaction, se faire rire tout seul? Après tout, je parle bien à un ami imaginaire, pourquoi ne parleraient-ils pas pour rire tout seuls? Je crois que la plus grande difficulté avec les juifs, c’est de pouvoir les comprendre et leur satisfaction à ce que les gens ne comprennent pas. Toutes les blagues ne sont pas faites pour être drôles, mais pour rire tout seul. A force de me questionner et de regarder ce comportement, j’en suis venue à l’idée que c’était tactique, parce que eux non plus ne savent pas. Ça devient comme l’heure du thé à 5 heures, un genre de tradition. Ça fait marcher le commerce, ça fait avancer les bateaux, c’est un moment de convivialité et en même temps, ça sonne l’heure d’arrêter le travail. Personne ne sait vraiment pourquoi, mais ça marche, les gens le font par sentiment d’appartenance à un peuple, un ensemble, une force commune de persuasion et l’important n’est que de se convaincre pour en convaincre les autres. Le thé en Angleterre est une religion comme le rire chez les juifs fait masse. La musique de cirque d’ailleurs est juive et tout un pan du cinéma d’Hollywood est juif tandis que l’autre est fait de transgressions à tout ce que l’Eglise a voulu mettre en place, la censure, le code Haye, les interdits de masse. Avec le théâtre de Molière, les deux masques sont bien plus qu’une philosophie. Ils sont un monde en culture.

Hollywood, c’est le monde du spectacle, l’ordre du désordre organisé et il faut peu pour que cela devienne religion. Des chandeliers en pagaille, mais, tous dans le décor. Les lumières par profession. Des clowns pince sans rire. Des veux-tu en voilà. Cela me rappelle certaines rues de Venise, la vraie Venise, près de la cantine de l’école d’architecture, avec ses boutiques de masques de cuir. Le masque pour rire et le masque pour pleurer, celui qui rit en dehors et qui pleure en dedans ou vice versa. Le paraître des masques fait bonne figure et à la qualité du cuir, on peut juger des sentiments, la cupidité, la médiocrité, l’avarice. L’argent ne se gagne pas sans efforts. Il est bien dit que les gens riches ont d’abord été Knock. Il faut gratouiller un peu pour voir où ça chatouille.

Pour une fille de la banlieue comme moi, rigide comme une botte de Marie Poppins, j’atterri après avoir vu le ciel. Je vois les parapluies qui discutent, les pianos qui pleurent, les escaliers de fumée et les banques qui font banqueroute. Toutes ne sont pas juives mais elles le sont devenues dans l’imaginaire des foules, un peu comme ces blagues dont on cherche la raison. Un, quoi, comment? On ne sait même plus compter? Les uns s’amusent du pouvoir qu’on leur prête et les autres s’amusent de l’avoir prêté. Pour une grande majorité de gens, il s’agit de glousser pour faire semblant d’avoir compris. Aux Etats-Unis, pour réguler le quotas de dinde, on fête la Thanksgiving. Passé un certain seuil, la bêtise finit à l’étalage mais qu’est-ce la bêtise en fait? Est-ce l’esprit simple? Est-ce le bienheureux?

Quand j’étais jeune, j’adorais lire Rutebeuf. Je me passais des soirées de fous rires toute seule parce que cet esprit simple est extraordinaire. J’achetais des gâteaux au lotus, me faisais un bon thé et je me mettais au lit avec mes lectures. Lisant Rutebeuf, je me réveillais en riant la nuit d’imaginer ce pauvre Rutebeuf. Il y a des livres comme ça qui valent tous les médicaments du monde. Les croisades, c’est ce destin le plus commun entre le monde Juif et le monde Chrétien que le pauvre Rutebeuf raconte, un retour aux sources comme le saumon pour pondre ses oeufs dans la montagne, le poisson bravant les obstacles en volant comme font les oiseaux, mais Rutebeuf était troubadour, il n’était pas un militaire né, il n’avait pas l’expérience des voyages et surtout il avait des idées, un imaginaire bien construit. Ce qu’il laissa à la postérité vaut bien des prières car ses écrits sont actuels et questionnent la géographie, la part de l’homme et son évolution, ce qu’il croit d’un Dieu et la manière dont il lui parle. Parfois je me demande si Dieu existe par timidité de se parler à soi, par honte ou par raison, comme une manière de faire vibrer l’organe musical qui résonne jusqu’au cerveau, mais ce que je vois, c’est le bien que les gens ressentent, comme un sentiment d’accomplissement après une grosse colère, parler pour dire les choses qui nous relient à quelque chose de plus grand.

On dit parfois que la religion est quelque chose d’intime, on en parle pas, ça ne se dit pas, c’est tabou et mon sentiment à moi, c’est que le tabou réside dans le désir, c’est quelque chose de convoité. Qu’est-ce qui ramène le saumon à la source, l’idée qu’il possède la rivière ou la mémoire de l’eau? La source originelle devait avoir une saveur, un goût, une fraîcheur que même l’eau entière de l’Océan n’a pu avaler. Peut-être les saumons voient-ils les étoiles, par tant de soleil et tant de vent, ils naviguent comme des bateaux. Peut-être sont-ils aimantés et que leur compas intérieur les attire. En fait, ils ne seraient pas poussés par eux-mêmes, mais appelés par la terre qui les porte là-bas. Il y a dans ce mystère une réalité que les saumons remontent toujours les rivières, malgré les barrages et malgré les obstacles, on a vu des saumons passer au-dessus des routes. Les saumons eux le savent, ils veulent se reproduire. Les juifs eux aussi le savent, ils veulent être chez eux. Leur terre promise, c’est celle-là juste en dessous de la Mésopotamie comme si un ancien saumon avait créé là le premier oeuf de l’histoire. Comment les autres saumons ont-ils rejoint les autres rivières et surtout pourquoi les Chrétiens de Constantinople ont-ils établi un nouveau testament? L’héritage des peuples est de dire qu’ils sont singuliers. La singularité des juifs est de dire qu’ils sont différents. Mais différents comment?

Je crois que l’idée que l’on se fait des choses quand on est enfant est assez uniforme. On croit que le monde est plus ou moins pareil partout et que l’objet de la vie c’est de suivre la mode, d’être pareil aux autres, de se fondre dans la masse. Les enfants ont peur de la différence parce que leur sensibilité expose leur fragilité. Comme un banc de sardines, l’effet de masse, c’est de se fondre au milieu des autres, ce n’est pas d’être le meilleur, d’être ailleurs ou d’être différent. L’effet de sardine, c’est d’échanger ses vêtements, de mettre les mêmes couleurs, de faire un clan où les bêtises, les secrets, les étapes de la vie avancent dans un cercle de sûreté, celui des amis. Dans un monde plus large et plus ancien, ceux qui sont vieux n’ont plus peur d’être seuls, pour autant ils s’inquiètent que les plus jeunes le soient. Ils fondent alors des cercles de sûreté où l’amalgame des masses est quelque chose de contenu pour ne pas se diluer dans d’autres masses. Les singularités se créent dans le désir d’être différent pour renforcer la capacité de résistance, mais une résistance qui est relative au risque d’acculturation. Pourquoi ne pas faire comme tout le monde? Mais justement, pour ne pas être comme tout le monde parce que le “tout le monde” n’existe pas, il a été créé, façonné, manipulé par l’homme. Rester en flottance par rapport aux autres, c’est rester loin d’être manipulé en tant qu’entité de groupe, celle de l’imaginaire et l’imaginaire, c’est Dieu, l’idée que l’on s’en fait.

Quand on visite Los Angeles, il faut voir le quartier des joailliers, imaginer le diamantaire qui achète un cailloux. Au début, ce n’est qu’un cailloux mais déjà en faisant un prix, le joaillier imagine ce qu’il va en faire et la valeurs du travail qu’il va mettre dedans. Il y a les acquis, le temps passé à apprendre et puis il y a le temps de transformation du cailloux. Ensuite, il y a les outils, la technicité. La géométrie est à la jonction de l’outil et de la technicité, l’élément phare qui fera venir la lumière dans la pierre et comme l’eau, capturer l’invisible luminescence, la luisance, la capacité autonome de créer de la lumière. C’est tout un chemin de vie que les rois portent au trône et pourtant, les juifs vivent en diasporas fermées.

L’une des choses qui m’a choquée aux Etats-Unis, c’est le sentiment d’inconfort face aux bâtiments religieux. En France, les églises sont ouvertes à tout le monde, quelque soit la foi et les origines. Personne ne demande rien. On peut rentrer dans une église, s’asseoir, méditer. Aux Etats-Unis, les églises semblent appartenir à quelqu’un et dès l’entrée, à l’extérieur, on voit tous les interdits. Franchir le seuil de l’église, ce n’est pas seulement un acte vers Dieu, c’est aussi l’adhérence à un discours, une façon de dire et d’interpréter. Les synagogues sont des écoles, et c’est un peu la même sphère privée pour laquelle il faut être autorisé et bien généralement, on n’autorise pas l’entrée des synagogues aux goys, encore moins si ce sont des femmes. En Indonésie, on m’a déjà offert d’aller aux toilettes à la mosquée parce que là, il y avait des portes, de l’eau et une sphère privée. Je me souviens avoir été choquée, je pense que je me serais sentie insultée si on m’avait demandé d’aller aux toilettes dans une église. La perception que l’on a de soi, des autres, de l’appartenance avec les autres est une question que j’ai bien connue avec le voile Islamique. J’étais en Indonésie au moment de la nouvelle réglementation française sur le voile Islamique, sur un camp aux mains de Jamia Islamia. Il a fallu expliquer que l'”école”, c’est comme une famille, la première étape vers les autres, le professeur c’est un parent, quelqu’un qui éduque et l’institution de l’école, c’est comme une grande maison, un lieu où les enfants se trouvent des frères et des soeurs, des gens avec qui ils vont partager un destin commun, un langage commun, une interprétation des mathématiques commune, une compréhension de la géométrie commune, une interprétation de l’histoire, de la littérature, de la physique, de la biologie qui font que plus tard, ils pourront vivre et travailler ensemble parce qu’ils auront appris les mêmes bases. Et l’école française, elle est gratuite, c’est un bien commun et indivisible pour fonder le peuple français. Il n’y a donc qu’un peuple, il n’y en a pas plusieurs.

Aux Etats-Unis, les bases communes sont difficiles à trouver. Je me souviens la première année avoir cherché les Américains. Je les ai jamais trouvés. J’ai trouvé des diasporas latinos elles-mêmes composées de diasporas d’origines diverses. J’ai trouvé des quartiers noirs chargés d’histoire comme Inglewood. J’ai trouvé des quartiers Coréens, Chinois, Japonais et même des Frog town sans savoir si c’était français. Le fond commun de tout cela et le plus solide c’est l’armée, comme l’armée en France a éduqué les campagnes, comme l’armée de Russie a rassemblé les peuples, comme la Chine elle-même s’est donné une seule couleur, et le poids de l’armée traduit le mal être du peuple à effacer les différences qui le ronge. Je retrouve dans les extrêmes religieux ce même mal-être où le langage des armes, la discipline, l’imaginaire de la peur, de la puissance, de la terreur, font régner toute l’unité d’un morcellement de différences qui implosent sur elles-mêmes. Par delà les armes, la finance produit ce même sentiment de puissance et de conquête des traders. Encore une fois, dans un contexte de guerre économique, il faut oser parler de l’argent comme on parle des bombes parce que l’effet d’un crash économique tue. La politique des bombes est ce que l’idéologie pèse sur la finance, une certaine notion du pouvoir. Lorsque les hommes en viennent à se prendre pour des Dieux, l’humanité disparaît par prédation naturelle, et là encore le naturel se questionne.

La lutte des classes est à mon avis la seule vraie raison des extrêmes quels qu’ils soient, religieux, politiques, ségrégationnistes. Être ou ne pas être a toujours été la question face à la mort, parce qu’être c’est une façon de mourir, mais ne pas être, c’est mourir pour de bon. Au travers le rituel, la continuation du passé interdit l’invention du présent. L’ancien est maintenu pour empêcher la forme inconnue de l’être en devenir. Être, c’est rester identique, se maintenir dans une culture. Ne pas être c’est mourir comme un parricide du fils qui viendrait à renier le père. C’est dire je suis né, tu m’as élevé mais je pars pour suivre d’autres règles, d’autres lois. Quand cet être en partance se détache, il suit son propre destin et qu’il devienne riche ou pauvre ne crée pas de lutte tant qu’il y a séparation. La lutte survient avec les retrouvailles, les réunions de famille, le moment de faire le bilan, celui qui a la terre, et l’autre parti faire commerce, personne ne veut perdre la face, c’est à qui le premier aura le masque qui sourit et qui le dernier aura su le garder. Un jeu de coqs s’amorce dans une compétition où c’est l’instinct qui domine les sentiments. A raison perdue, la lutte devient celle des classes et plus elle est intérieure au clan, plus elle devient douloureuse, plus il devient urgent de mettre les hommes aux armées. Les guerres n’arrivent jamais par hasard et encore moins les révolutions quand le prédateur devient la proie, prédaté.

Il arrive des moments dans l’histoire où la question des religions demande de l’inventivité et je pense que le Christianisme a fait preuve de beaucoup d’imaginaire, trop même parfois, au point où des Chrétiens modernes ont fait le choix de l’absurde pour expliquer Dieu prenant au premier degré littéral les mots pour les mots. Une question que je n’ai pas étudiée encore, c’est le parallèle du livre des nombres dans le Christianisme, une question que les juifs ont codifiée par le langage. Tout aussi énigmatique est le langage de l’Islam et je me dis que c’est ainsi fait. Nul ne peut tout connaître, et la connaissance des langues ne garantit pas leur compréhension. Je pense que la vraie religion c’est d’accepter l’inconnu dans le voyage, d’accepter de découvrir sans tout savoir, d’accepter que d’autres aient des déterminations, des désirs, des aspirations, des volontés, voire même des volontés affichées et de ne pas tout comprendre de cela, parce que cela est de l’ordre de l’humain alors que la religion est à l’échelle de Dieu. Ma religion à moi, c’est l’architecture, ou plus exactement l’écriture pour en parler. Je n’ai pas les moyens de construire, il m’arrive de dessiner mais au-travers mes écrits, je cherche et je traduis en dessins. Au travers cela, je défini des espaces de pensée et c’est dans ces espaces que je cherche l’inspiration, celle que je reçois, et celle que je donne, et ce ne sont que des inspirations, comme l’art inspire. Parfois, je navigue dans mon cerveau comme dans un globe et je flotte, je trace des perspectives. C’est en décrivant ces perspectives que l’esprit de Dieu prend son sens à mon sens, c’est comme cela que je le vois, comme une force d’équilibre naturel. La morale et toutes les philosophies n’existent pas à l’état brute des choses. C’est dans la relation de la mère à l’enfant que l’idée se construit pour éduquer, porter, emmener vers un état de conscience. Chez les animaux, on appellerait cela le sevrage où se nourrir seul devient possible. Chez l’homme, la nourriture spirituelle est un fondement. Se “nourrir seul”, c’est être conscient que tout reste à découvrir, atteindre de premier niveau de conscience que l’on ne sait pas.

J’ai grandi dans la banlieue tourangelle avec une éducation laïque. J’ai été baptisée, je n’ai jamais été confirmée et je ne suis pas pratiquante. Dans mon quartier, il y avait des Musulmans au milieu des Portugais Chrétiens, des Espagnols, des Italiens, tous ces immigrés économiques venus en France pour travailler. J’ai regardé les vieux films sans jamais me poser de questions et tout ce que je savais des juifs se résumait à Nuit et Brouillard que j’ai vu en cours d’histoire. Peu avant de quitter la France, j’ai rencontré un avocat juif qui s’est occupé de mon brevet américain. Une expérience purement vénale si je devais comparer avec mon autre avocat. Il a pris mon brevet et il a traduit avec ses mots sans me laisser la possibilité de relire, de corriger, d’y mettre mon point de vue. 7000 euros pour rien. Il m’a demandé pourquoi je partais en Amérique, je lui ai dit “pour imprimer des billets”. Il m’a dit très sérieusement “mais vous savez que c’est interdit” comme si mon air coincé avait trouvé une porte. Il n’a pas eu l’air de comprendre et c’est là aussi une autre spécificité que j’ai découverte à Los Angeles, c’est que les juifs ne rient jamais de mes blagues. Mon proprio non plus d’ailleurs. Ils me regardent d’un air “avez-vous toute votre raison” et cela me ramène à d’autres souvenirs, ces femmes que les maris aiment faire passer pour folles, les internements forcés de femmes pour éviter le divorce. Les drames humains sont si nombreux en Europe et ailleurs dans le monde qu’il est parfois difficile d’arrêter l’histoire du monde à la Shoah, parfois même l’histoire personnelle. Certes, il faut étudier l’histoire, il faut surtout essayer de la comprendre et dans ce moment de vérité tout cru, je veux seulement que cela ne se reproduise jamais, pas plus les Juifs que les Musulmans ou les Chrétiens. Mon voeux à moi, c’est que les peuples avec leurs croyances puissent vivre ensemble et qu’on apprenne de l’histoire pour se sevrer.

Je n’aime pas Hollywood et je crois que je n’aimerai jamais Hollywood non à cause des juifs, mais parce que la nature humaine y est artificielle, rompue à toutes sortes d’entourloupes pour truquer, tricher et tromper. Moi, je préfère les choses simples et je ne suis pas de ce monde. La médiocrité des gens me fatigue. J’ai cette chance d’être apatride et j’ai fait le choix de le rester parce que je n’ai pas trouvé ceux qui m’inspireraient confiance. Hollywood, c’est toute l’idée qu’on pourrait se faire d’un bordel à l’échelle d’une cité, les femmes poupées, les hommes agominés, l’intelligence artificielle non pucée, édulcorée, marketisée comme une grosse barbe à papa, des murs invisibles mais tuants comme un monde parallèle où la vie se déroule en dehors du corps. Hollywood, c’est l’humiliation permanente de faire semblant que tout va bien, que tout est bien, que c’est super. C’est une super expérience, mais je ne me vois pas vieillir ici et pourtant, j’ai l’intention de vieillir et de me sentir vieillir bien, épanouie, heureuse. Hollywood pue tout ce que je hais de la France, ses sacs à main, ses sacoches, ses pochettes et ceux qui les portent. Et y’a pas à dire, Hollywood, ça sent le sapin, c’est une ville d’avenir pour les croques mort. Démographie, lutte des classes ou pas lutte d’ailleurs. Les pauvres sont résignés d’être pauvres, moi pas. Je suis résignée de trouver une vie meilleure.

La vie meilleure n’existe pas sans le sentiment de justice, hors, j’ai déjà vu trop d’injustice en six ans, trop de bling bling sur les têtes couronnées tandis que la vie devient comme un radeau à la mer. La France et l’Angleterre sont exæquo en matière d’ignominie, Yahoo est devenu leur brandmark. Pour ce qui est de l’Amérique, j’y suis et je n’y suis pas heureuse. C’est un peu comme acheter une voiture électrique et devoir pédaler pour cela, hors le pédalage, il me fait penser aux galères d’esclaves.

Les juifs et les chrétiens ont écrit leur testament. Moi aussi, je voulais écrire le mien. Je ne sais pas ce qui adviendra de l’avenir, mais j’aimerais que mes écrits, mes livres, mon chat, retournent en France si je ne survis pas à ces nouvelles galères. Mon proprio est un con et avec les cons, il faut toujours se méfier. Il a voulu me faire signer des papiers en pleine rue, sans prévenir, puis il m’a menacée. Il est capable de me mettre dehors au soir de Noël et j’ai beau me dire que Marie, elle aussi, a dû chercher un gîte le soir de Noël, mais j’ai déjà eu trop de Noël avant. Je suis fatiguée. Je vais contacter la mairie, j’ai déjà fait des courriers pour plusieurs consulats mais cela peut prendre du temps. Un temps qu’il ne me laissera peut-être pas. J’ai déjà vu trop de folie dans ce pays, trop d’absurde, trop de lâchetés, la France en tête.

J’ai créé [RMPRESS] pour voyager avec ma carte de presse. Le plus dur, c’est de trouver assez de bagages, faire vacciner le chat et trouver un billet d’avion. A côté de tout le reste, c’est presque rien parce qu’Hollywood ne peut offrir que le pire. Bientôt Hollywood sera au passé comme des pipes de plâtre et moi je serai loin. Je n’ai pas peur.

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