Résolutions

Je vous souhaite une bonne année 2022 à tous. Comme je l’ai fait sur Facebook, le premier jour de l’année est l’occasion de démarrer sur des résolutions et mon projet annoncé sur Facebook est de continuer dans la photographie. J’ai commencé à prendre des cours en 2020 durant le confinement. J’ai poursuivi les cours l’année dernière avec le projet Religious Map et c’est tout naturellement que je souhaite continuer cette année avec la photographie.

Pour la petite histoire, mon tout premier travail lorsque j’étais enfant vers 1982 m’a servi à acheter mon tout premier appareil photo. C’était un rêve de gosse. En 1992, alors que je préparais mon voyage en Indonésie, j’ai gagné le concours Kodak Jeune Reporter sans présenter aucune photo. La Fondation Kodak finançait tous mes films photos et tous les développements de diapositives de mon tout premier voyage en Indonésie. En fait, je suis partie sans trop savoir ce que je faisais, passer les aéroports avec les rayons X a été un casse tête et les photos ramenées en France étaient plutôt médiocres. J’en avais conclu à cette époque qu’il fallait se rendre à l’évidence, je n’étais pas photographe et pour moi, il était extrêmement difficile de travailler avec un appareil photo. Je préférais conduire des interviews dans une atmosphère familiale, sans pose, sans artifice. Ce qui m’intéressait, ce n’était pas de me prouver moi avec des images, mais de prouver ce que j’avais à dire et j’écrivais et dessinais mieux que je ne prenais de photos.

Mon deuxième voyage en Indonésie a été un peu similaire. Lors du premier voyage, j’étais ultra équipée. Lors du deuxième voyage, j’ai allégé mon sac et en fait la plupart des gens pouvaient me voir avec mon petit sac de crayons et mon calepin, mais rarement un appareil photo. Mon tout premier appareil photo était un Pentax reflex manuel. Mon deuxième appareil était un Dynax 7xi. Lors de mon troisième voyage en Indonésie, je me suis acheté un petit appareil compact de Canon avec lequel je pouvais faire vidéos et photos. C’est avec cet appareil que j’ai fait les vidéos sur Youtube et bien souvent je donnais mon appareil aux jeunes du camp où je travaillais pour qu’ils puissent faire des photos. C’est d’ailleurs une expérience que j’ai adorée, de donner aux jeunes la possibilité de raconter leur histoire. D’où ma résolution cette année.

En faisant la scéance photo pour ma voisine, j’ai fait un deal contre du matériel de studio. Vers 2011, je me suis acheté un Pentax K10D pour documenter mon travail sur la forêt française, mais à part mon appareil photo et un pieds photo je n’avais rien. En 2014, peu de temps avant de partir pour les USA, je me suis acheté un Canon HG10, là aussi tout simple et vers 2018, j’ai étendu mon équipement en achetant un Zoom Q2HD pour faire des podcasts et un deuxième Canon HG10 pour avoir plusieurs angles d’une même scène. J’ai ensuite acheté un deuxième Pentax K10D avec des lentilles ce qui fait que j’ai presque tout en double. En fait, c’est le K10D qui m’a donné envie de refaire de la photo. Au debut, je trouvais cet appareil ingrat avec des couleurs sombres mais l’industrie des logiciels a évolué, j’ai maintenant un abonnement Photoshop et j’ai pu reprendre mes anciennes photos. C’est en retravaillant mes photos de la cathédrale de Chartres et de l’abbaye de Clairmont en Mayenne que j’ai trouvé mon identité. Là où je me trouvais moins bonne que les autres avec leur iPhone, j’ai trouvé mon style comme artiste et j’ai commencé toute une série de cours sur Domestika. J’adore Domestika. Littéralement, j’adore Domestika. Tous mes profs sont très jeunes, tous sont d’Amérique du Sud, certains ont voyagé et je trouve qu’ils ont une vue de la scène, des couleurs, une liberté d’expression extraordinaire. La liberté qu’ils prennent pour faire de la photo un art me motive, me donne des idées et surtout me donne envie de devenir meilleure, plus sensible, peut être plus poétique, plus audacieuse, plus chaleureuse peut-être, voire plus déterminante ou plus philosophique.

En suivant un cours ce matin, le professeur expliquait son travail pour photographier une bibliothèque. Le sujet est architectural et le cours consiste à mettre le bâtiment en scène. Cela m’a rappelé tout un tas de souvenirs, Alexandre le Grand, la petite bibliothèque du camps d’IDP et cette vidéo où les hommes orthodoxes d’Israel ne sont pas éduqués à l’école comme c’est le cas des filles. J’ai trouvé là mon sujet et comme à chaque fois lorsque j’ai une idée, je dors dessus, je m’en détache, je vais dormir et je vois le lendemain matin. En ce moment, à cause du froid, mon rythme est plutôt inversé. Je travaille beaucoup la nuit lorsque je peu entendre le silence sans les hélicos, sans les sirènes, sans le brouhaha. J’adore entendre le silence de la nuit. J’adore en tous les cas savoir qu’il existe. Au réveil, comme je le fais toujours, j’ai regardé les news sur Youtube et j’ai trouvé cette vidéo de Caroline Galactéros. J’avais déjà vu son interview sur Thinkerview et, ma foi, ce qu’elle avait à dire était opportun après les videos vues la veille.

J’essaye depuis environ une semaine d’écrire un post et je n’en vient pas à bout. Je l’ai commencé en anglais sans m’en rendre compte ce qui tout de suite donne de la gravité aux choses. J’ai plus de mal à avoir de l’humour en anglais. Avec le français, je me retrouve comme je suis dans la vie c’est à dire plutôt clown. Quand je parle Indonésien, je suis plutôt mère Theresa. Ce n’ai pas que je joue un rôle avec le language. C’est plutôt que la grammaire me pousse à penser d’une certaine façon qui facilite plus ou moins certaines formes de spiritualité et la langue latine en cela est riche de couleurs. Je ne sais plus quel philosophe parlait “des humanités” de l’Italie et cela m’avais marqué car au fond je me questionne à savoir ce que c’est, l’humanité.

Bref, en préparant ce post si difficile à écrire, j’ai visionné plusieurs vidéos sur Israel. En fait, ce qui m’étonne au travers mon immigration aux USA, c’est la transformation que je perçois en moi-même et je me sens devenir raciste, en colère, parfois haineuse, je veux dire, je me hais moi-même, je n’aime pas la personne que je deviens. Ce qui a conduit à cela est complexe, le rapport à l’identité, le rapport à l’argent, le rapport culturel avec les autres, le sentiment d’injustice. L’immigration est d’une inhumanité incroyable, quelque chose qui d’un seul coup m’a ôté tous mes droits, ce pour quoi d’ordinaire j’aurais voulu me battre comme le droit de vote, la liberté d’expression, la liberté de mes idées, la liberté de penser. Ce matin, en regardant une vidéo sur Spinoza, j’ai trouvé ces quelques phrases qui résument tout ce que j’ai perdu:

The last end of the state is not to dominate men, nor to restrain them by fear; rather it is so to free each man from fear that he may live and act with full security and without injury to himself or his neighbor.

The end of a state, I repeat, is not to make rational beings into brute beasts and machines. It is to enable their bodies and their minds to function safely. It is to lead men to live by, and exercise a free reason, that they may not waste their strength in hatred, anger and guile, nor act unfairly toward one another”.

Traduction:Le dernier but de l’État n’est pas de dominer les hommes, ni de les retenir par la peur ; c’est plutôt pour libérer chaque homme de la crainte qu’il puisse vivre et agir en toute sécurité et sans nuire à lui-même ou à son prochain.

La fin d’un État, je le répète, n’est pas de faire des êtres rationnels des bêtes brutes et des machines. Il s’agit de permettre à leur corps et à leur esprit de fonctionner en toute sécurité. C’est d’amener les hommes à vivre et à exercer une raison libre, afin qu’ils ne gaspillent pas leurs forces dans la haine, la colère et la ruse, ni qu’ils n’agissent injustement les uns envers les autres“.

Extrait de la video suivante: https://www.youtube.com/watch?v=7rEIrCfgg8o

Je n’étais plus en sécurité en France et ce que j’ai trouvé aux USA est une sécurité sous conditions, mais dans ces conditions là, il y a mon statut de femme, ma spiritualité, mon point de vue, ma liberté financière, ma liberté intellectuelle, ma liberté politique aussi. Je suis devenue apatride, déracinée, errante, aculturée, et pourtant, j’ai retrouvé cette fantaisie que j’avais déjà trouvée en Indonésie à raconter un pays qui n’existe pas. C’est en se racontant aux autres que l’on se fait des films et c’est drôle, alors qu’en France je m’abillais en tailleurs, que je me maquillais en Channel, que je me parfumais d’Hermès ou en Alien de Thierry Mugler, ici je cherche la sobriété, l’invisibilité, l’austérité, je me rabaisse. Je rabaisse mon costume pour que ma tête reste haute, que mes idées restent intègres et que je reste moi, parce que l’on peut tout perdre dans la vie mais pas soi, le peu d’humanité qui nous reste, l’idée que l’on s’en fait. J’ai trouvé hier cette vidéo sur Youtube, une famille qui vit dans un bus, comme moi. Moi je le vis comme une expérience spirituelle, quelque chose de difficile mais d’utile, voire de nécessaire, je ne sais pas, mais j’aime mon bus avec ce nom improbable, c’est ma capsule temporelle, je vis dans un autre temps.

Je suis ethnographe, c’est mon métier de vivre dans le pas des autres. J’ai vécu mon déracinement en construisant ma maison, j’ai accumulé les trésors, j’ai vu ce que c’était. Pour moi, ce bus, c’est le bateau qui m’a ramenée à la vie comme un pharaon égyptien venu de l’espace, en femme, comme la mère Strum avec ses enfants. C’est mon studio de peinture, ma bibliothèque, ma petite boutique de couture. C’est ma véranda, ma cabane, on gîte. C’est là que j’ai découvert que je pouvais faire de la photo, que cela pouvait être un studio, mon labo, ma ruche. En regardant la vidéo de Caroline Galacteros ce matin avec son chemisier orange, j’ai rallongé la liste de mes idées photos. En fait, sa couleur à elle, après avoir vu les videos sur les orthodox juifs, m’a ramené à cette notion de couleur, cette différentiation, ce signe de reconnaissance. Avant Noël, j’avais prêté ma robe jaune à l’une de mes voisines et elle rayonnait sur les photos. En architecture, le jaune est la couleur qui stimule l’intellect, qui éveille l’esprit vers de nouvelles idées. En fait, le chemisier orange a eu l’effet Spinoza sur moi de mettre toutes les idées que j’avais au clair d’où ce post sur mes resolutions. Donc,

Resolution n°1

Je vais quitter les Etats-Unis. L’année dernière, j’avais lu un article sur les maisons à 1 euro en Sicile et je m’étais inscrite sur le site pour enregistrer les petites annonces. Cela fait donc un an que je réfléchis à cela et que j’attendais un déclic. Il y en a eu plusieurs en fait. D’abord, le juge d’immigration qui reporte le rendez-vous. Cela fait plus de six ans que j’attends pour mes papiers, les femmes Afghanes sont en train de passer devant et moi, on me signifie que je peux attendre, voire, que je peux contacter mon ambassade (?§/µ@!!!). Ensuite, il y a mon permis de travail qui n’arrive pas, comme une autre façon de me dire que je ne suis pas la bienvenue. Ils ont encaissé le chèque dans les trois jours et cela fait plus de six mois que j’attends pour un simple renouvellement de papiers. Ensuite, il y a mon proprio qui dit une chose, qui en fait une autre et qui trahit ma confiance, tout cela où l’on me parle de rabbin alors que la dernière fois, on me parlait déjà de rabbin pour expliquer qu’on me vole mon salaire. Et puis, il y a le ras le bol, la fatigue, l’impression de retrouver ici ce qui ne fonctionnait déjà plus là-bas en France.

Pourquoi la Sicile peut-on me dire et c’est la question que je me suis posée l’année dernière. Il est complètement fou d’être la victime d’une mafia et de vouloir aller en Sicile. En fait, ce n’est pas vraiment en Sicile que je veux aller, mais à l’université de Reggio en Calabre. Je postule comme professeur à l’école d’architecture, mais pourquoi cette région là quand même? Et bien c’est en écoutant le Juge Brugère sur Thinkerview que l’idée a refait surface. D’une part, les mafias sont territoriales et c’est un peu comme les araignées, quand tu as peur des mygales, il faut adopter une mygale. Je ne suis pas en compétition avec ce que fait la mafia en Sicile et donc, je peux bénéficier de leur protection. Ensuite, la justice Italienne a fait un gros travail sur les mafias et je me dis que la Sicile doit être à peu près comme Las Vegas avec le FBI, un endroit très surveillé. Au final, il se peut que j’y trouve la sécurité que je recherche et en fait, je suis tellement fatiguée que je me dis aussi que si je dois y rester, et bien au moins, je ne souffrirai plus. Je suis dans un état de fatigue où il faudrait peu de chose pour me faire craquer. J’ai déjà perdu ma maison une fois, les menaces et les mensonges de mon propriétaire ont été la goutte qui a fait déborder un vase déjà bien trop plein. Je veux partir et la Sicile me fait rêver, j’y vois des rêves accessibles, quelque chose de l’ordre du possible et du réalisable.

Resolution n°2

Il y a deux choses que je veux faire en Sicile. Prioritairement à toutes choses, je veux me reloger dans des conditions correctes et avoir ma mère avec moi. Elle est âgée, elle a eu son lot d’histoires tout au long de sa vie depuis l’âge de quatre ans, elle a le droit de finir ses jours en paix et heureuse. Cela fait longtemps qu’elle veut vendre la maison et elle avait besoin de mon accord. Si je suis prise comme prof à Reggio, nous vendrons la maison pour en racheter une autre que j’ai trouvée avec 12 studios. Ma mère habitera un studio, j’habiterai un autre studio, nous aurons deux studios de libres pour la famille et les amis, j’aurais deux studios pour des étudiants francophones et le reste sera mis en gîtes ou en loyer pour payer ma retraite. En France, lorsque j’avais mon entreprise, je payais les études d’un étudiant charpentier. En Italie, j’aimerais payer les études de deux étudiants en architecture issus de pays ou de familles défavorisés. Ils seront logés et nourris comme dans une famille d’acceuil. J’ai toujours beaucoup voyagé, j’ai toujours été bien reçue et je veux maintenir ce lien convivial confraternel.

Resolution n°3

Additionnellement à cette maison à usage “privé”, j’ai trouvé un terrain sur l’île de Sicile planté avec des oliviers et une petite maison que je veux transformer en atelier pour les étudiants. Il y aura un atelier bois, un ateliers “crafts” et tout le matériel pour faire de la photo. Je souhaite rapatrier mon bus en Italie pour le mettre sur ce terrain en temps que mon studio personnel où je pourrai accueillir mes étudiants. La maison sera leur maison à eux. Le terrain planté d’oliviers sera notre salle d’expo et d’acceuil du public. Entre les arbres, nous tendrons des fils comme des fils à linge et dessus, nous attacherons des photographies imprimées sur du tissus, comme les drapeaux de prière bouddhiques. Ces photographies seront comme le linge sale que l’on lave en famille. Ce seront des photographies travaillées et transformées en oeuvres d’art pour reprendre le processus décrit par Caroline Galacteros du “diagnostic”, du “pronostic” et de la “thérapeutique” comme un contre pieds à l’Aliyah où l’élévation de l’être doit aider à devenir meilleur. Les photographies seront inspirées du travail de Krishna VR, de Cristina Otero, de Daniel Garay Arango, ou encore de Gemmy Woud-Binnendijk.

Tous les artistes en visite porteront un costume jaune, robe, tunique, pantalon, bijoux, peintures corporelles, chaussures, sandales. Même les slips seront jaunes, de la couleur de mon bus, comme une façon de laisser derrière soi ce que l’on est pour renaître à nouveau. Tout le monde sera bienvenu quel que soit sa religion, sa couleur de peau, ses origines géographiques ou sociales. Le but est de rassembler les personnes autour d’un dialogue commun pour la paix, et le symbole, je ne l’ai pas inventé, c’est l’olivier. Les architectes et les étudiants en architecture pourront également contribuer à la construction d’un village de maquettes où les projets futuristes viendront fleurir comme des jardins. Il y aura bien sûr un restaurant gastronomique et quelques gîtes tout autour en partenariat avec les habitants des villages voisins. Le terrain coûte 25,000 euros et je compte le financer sous la forme de dons à une association que je créerai en Italie… si je deviens prof à Reggio de Calabria. Le terrain est tout au bord de la Méditerranée, une mer qui a rassemblé et fondé l’humanité toute entière. Ce projet culturel deviendra un musée de l’homme nouveau, un musée où on parle d’immigration, de terrorisme, de religion, d’histoire, de justice, de laïcité, d’hommes, de femmes, d’enfants, d’humanité, de philosophie, de progrès et de paix. Le bus deviendra la propriété du musée à ma mort, de même que mes écrits, mes dessins, mes oeuvres.

Resolution n°4

J’ai déjà écrit au consulat d’Italie à Los Angeles pour un projet que je voulais faire à Los Angeles, mais il faut se rendre à l’évidence que tout ici est compliqué, cher, trop cher. J’ai déjà vécu en Italie, je savais parler italien en 89 et je ne doute pas qu’en quelques mois, cela revienne donc ma résolution n°4 est de me remettre à parler italien, tenter de saisir l’instant où je rêve pour mettre du bonheur dans mon parlé, de l’amusement, de l’humour, de la joie, de la musique, un état d’esprit plein de bonté et de chaleur pour être ce que je cherche avant tout, rayonner à mon tour. Si au moins je pouvais inspirer le bonheur comme une fleur dans un jardin, au moins, aurais-je réussi à accomplir ma destinée.

Pour finir, j’ai trouvé cette image il y a quelques jours au sujets des activistes en Ukraine qui plantent des fleurs dans les nids de poule en protestation sur l’état des routes. Le jaune a cela de voyant qu’il se voit, mais on le voit parce qu’il accroche la lumière et le but est dans la réflexion.

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