Mon point de vue sur l’Ukraine

On dit souvent de la France qu’elle est “riche” parce qu’elle donne accès à un océan, deux mers, des montagnes, des fleuves et tout un réseau de rivières, de routes, un tissus de villes et de villages, des secteurs industriels variés et un peuple qui sont en fait plusieurs peuples. Au Nord les nordiques, au Sud les sudistes, à l’Ouest, les gens du large et à l’Ouest, ceux de la montagne, des lacs et des forêts. Cette richesse est incroyable parce que tout ces peuples ont réussi à vivre ensemble.

La Russie, comme le rappelait Vladimir Putin est une fédération de peuples également, avec des fleuves, des rivières, un tissus de villes et de villages, des secteurs industriels variés et un peuple qui sont en fait plusieurs peuples. Nous avons tant en commun hors la taille de nos pays.

L’Ukraine présente des richesses communes, un fleuve, plusieurs peuples, l’accès à la mer Noire, et le caractère très marqué des gens. Il faut apprendre à composer et s’enrichir de ce qu’il y a de meilleur en chacun d’entre eux pour créer un carrefour culturel entre l’Europe, la Russie, la Turquie et le Moyen Orient, qu’on puisse accéder à l’Ukraine par bateaux, développer un réseau touristique où l’Est va vers la Russie et l’Ouest vers ce que la France appelle l’Europe de l’Est. Ces peuples ont en commun l’histoire des slaves. C’est une histoire à réparer, à construire, à projeter. Il y a des moments dans l’histoire où il vaut mieux regarder devant soi plutôt que toujours regarder derrière.

Je pense que la paix en Ukraine ne consiste pas à faire deux camps divisés par une rivière, mais deux régions qui se retrouvent par la rivière, comme une fédération de plusieurs cultures qui s’unissent sous un seul drapeau parce que ce drapeau signifie pour eux la paix et la liberté. Il faut oublier les armes et penser à l’avenir dans la paix, apprendre à accueillir les différences comme une richesse parce qu’alors l’Ukraine pourra se libéré du véto des grandes puissances qui l’asphyxie. L’Occident, et notamment les Etats-Unis, ont une lourde responsabilité dans ce conflit, mais je pense qu’il faut inclure les USA dans ce processus avec cette nuance qu’ils ne dominent pas. Je pense que les USA ont beaucoup à apprendre de l’histoire, celle d’un avenir qui se fait sans les guerres.

La Russie a cela de commun avec la France qu’elle a fait sa révolution. Face à l’oppréssion d’un système de castes aristocratiques, le peuple a voulu se libérer. La France l’a fait avant la révolution industrielle alors que le pays était déjà endetté. La Russie l’a fait pendant la révolution industrielle avec tous les malheur du communisme. Ces deux peuples ont dû s’organiser avec des gens qui étaient paysans, bourgeois, souvent ignorants des réalité et de la dureté du monde, mais tout le monde apprend, et surtout tout le monde en tire des leçons.

Il n’y a pas vraiment de modèle social qui soit parfait et il reste beaucoup à faire pour inventer une société qui inclue les nouveaux médias, la liberté d’expression, la démocratie, tous ces concepts très difficiles à manier, mais si un père ou une mère peut apprendre à manier des armes, alors ils peuvent apprendre à devenir meilleurs comme citoyens du monde. Que les morts ne soient pas tombés pour rien. Que leurs corps renvoie la lumière si fervente de la foi, de l’humanité et du pardon. Ceux qui vivent leur doivent cela.

Je souhaite à tous la paix physique et intérieure. Il faut beaucoup de courage pour faire la paix. Il faut apprendre à concéder, à balancer, à se grandir non pas d’orgueil, mais d’humanisme, se dépasser soi pour penser aux autres. Penser à ce qui permet d’harmoniser les vies, les civilisations, les peuples. Il faut prendre conscience que l’humanité, ce sont des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards qui tous ne demandent qu’à vivre pour ce qu’il y a de meilleur à construire et laisser derrière soi comme héritage. L’histoire s’écrit aujourd’hui. Elle ne peut être que ce que demain sera.

Je pense que l’Ukraine doit être l’union de l’Europe et de la Russie, faite par des européens et des russes. Si on pense demain, il peut y avoir des foires et des expositions, des concerts, des conférences, des compétitions sportives, des centres de recherche communs, une innovation faite ensemble, un folklore, un artisanat, la création et le développement de produits régionaux, tout un ensemble de services pour le bien commun de ces deux grandes régions de l’Europe et de la Russie. Les Etats-Unis, on le voit, n’ont de cesse de faire la guerre autour de la Méditerranée pour pouvoir s’y implanter, et je pense qu’il faut balancer cette région du monde pour inclure les USA comme on inclus la Chine en prenant soin qu’aucun ne prennent le dessus. Cela veut dire faire fonctionner l’Ukraine avec le Moyen-Orient et se servir de la Mer Noire comme d’un pont vers la Méditerranée, recréer un bassin de culture qui rayonne par le monde pour sa diversité et sa richesse.

Après le tsunami de décembre 2004, l’ONU avait installé un gouvernement de transition à Aceh qui collaborait avec le gouverneur et les autorités locales. Je pense que la paix est possible en Ukraine si on refait ce système de gouvernance transitoire où les pays d’Europe sont représentés aux côtés de la Russie et des USA. Dans chaque province, un gouverneur d’ethnie locale sera chargé de représenter sa région et des parlements locaux peuvent être placés sous tutelle d’observateurs internationaux. Ce peuple a besoin d’être guidé par d’autres peuples pluriculturels qui savent mettre en place une gouvernance populaire. Cela me rappelle les Musalas avec lesquelles j’ai travaillé pour le plan de paix à Aceh. Les églises, les congrégations religieuses, les centres pluriculturels peuvent servir à cela, du moment que les gens se réunissent et puissent s’exprimer. Chacun doit avoir le sentiment que sa parole est écoutée. Chaque réunion donne lieu à des résolutions et chaque résolution est remontée vers la gouvernance locale, chaque décision est communiquée au peuple, à tous moments le peuple est informé et peut s’informer de lui-même où saisir les instances compétentes. Ensuite, il faut désarmer le pays. Il n’y aura pas de paix possible avec les armes. En même temps que le pays est désarmé, il faut reconstruire une armée professionnelle qui soit entraînée aux enjeux de la paix. Comment négocier, comment développer une stratégie, comment désamorcer un conflit, etc… il y a des tactiques militaires qui devraient ouvrir par ailleurs vers un code militaire qui fasse loi.

Le bassin de la Mer Noire est d’une richesse incroyable en matière d’histoire des lois, d’histoire des peuples, de leur foi, de leurs systèmes de gouvernance et de gouvernement. Il faut savoir s’enrichir de l’histoire et intégrer ce que l’on connait de mieux au travers les systèmes de gouvernance au monde. L’Ukraine devrait devenir un laboratoire pour l’humanité pour apprendre à bien vivre ensemble et je pense que l’Indonésie devrait être impliquée parce qu’elle a dans son histoire appris à composer les différences.

La paix est quelque chose qui s’apprend avec les enfants, avec les femmes, les hommes et les vieillards. C’est quelque chose qui s’enseigne, hors il y a trop peu d’ONG spécialisées pour cela. Il devrait y avoir un programme de l’ONU spécifique à la formation des ONG pour leur apprendre les méthodes de pacification et de désamorçage des conflits. Cette école de formation à la paix pourrait trouver son siège en Ukraine pour former les générations de jeunes au travers le monde à mieux vivre ensemble, former les industriels, les politiques, les oligarques, sensibiliser le monde à cette gouvernance de la paix. Créer des ONG influentes capables d’intervenir lorsqu’il y a des conflits, sachantes pour créer le dialogue, neutres et surtout bienveillantes.

La gouvernance des Etats-Unis me fait penser à l’histoire de leurs forêts, une mauvaise gestion par les britanniques qui ont décimé hectare après hectare tout ce qu’il y avait à prendre de manière prédatrice et destructrice jusqu’à ce que les américains prennent conscience eux-mêmes qu’ils étaient en train de s’appauvrir pour ensuite développer leurs propres méthodes de gestion forestière. Je pense que nous en sommes là aujourd’hui, où très proches, à cette prise de conscience que la continuation d’un système défaillant ne peut conduire nulle part si ce n’est l’appauvrissement des américains. Je vous renvoie à mes écrits sur ce sujet, notamment “the economy of wood” pour comprendre l’histoire.

Quand l’Amérique est traitée comme une colonie, la question qui est posée n’est pas de savoir si l’Amérique existe ou par qui elle a été découverte, mais qui en sera l’héritier. Je pense que c’est ce destin là qui est commun à celui de l’Ukraine, savoir qui seront les héritiers. Comment les Ukrainiens se définissent-ils et quel avenir veulent-ils offrir à leurs enfants? La soviétisation est une industrialisation à outrance ce qui est commun à l’Amérique sauf qu’aux USA, le système capitaliste fait que les entreprises sont privées alors que le système soviétique fait que les entreprises sont publiques. Lorsqu’une entreprise est endettée, le poids de la dette fait que de toute façon, l’entreprise appartient aux banquiers jusqu’à ce que la dette soit payée. Dans un cas, c’est l’entreprise qui paye au risque qu’elle suffoque. Dans l’autre cas, c’est le peuple qui paye au risque qu’il suffoque parce que tout le monde paye sans nécessairement en voir le bénéfice. La reconstruction de l’Ukraine devra forcément être balancée entre deux systèmes très différents et la démocratie consiste à laisser le choix au peuple, non pas une assemblée de parlementaires, mais un peuple instruit, informé et votant. Les référendums servent à cela.

Pour avoir vu la France se dégrader, je connais les limites de la France pour établir un système qui soit juste, mais je pense que la communauté internationale, sous l’égide de l’ONU, devrait plancher à un modèle qui préserve le peuple et le gouvernement contre les mafias. Aujourd’hui, l’infiltration des mafias au plus haut niveau des états sont le principal problème non seulement en Ukraine, mais dans le monde. Il faut se donner les moyens et il faut donner les moyens à chaque individu de s’en prémunir. L’ONU devrait développer les outils pour cela, redéfinir le droit d’asile, définir un cadre d’action pour les victimes, établir un droit international et des instituts pour leur accompagnement. Il n’y a pas de solution sans bonne volonté, hors il ne faut pas compter sur un peuple en survie pour le faire. C’est à la communauté internationale et principalement l’Europe, la Russie, la Turquie et les pays du golfe, de créer un environnement favorable à la paix. Je souhaite à tous beaucoup de sagesse pour veiller à l’équilibre du monde.

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