Le déterminisme des peuples

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Je regardais cette vidéo ce matin, et je trouve que le contenu est croustillant, car on peut y voir un Ambassadeur Chinois très… chinois. En fait, il interprète le déterminisme des peuples à sa façon, mais ce que je trouve intéressant, c’est comment son interprétation à lui est en conflit avec ce qui se passe en Ukraine, c’est à dire que la Russie et la Chine se trouvent dans deux interprétations différentes. Aujourd’hui, les deux pays sont partenaires pour diaboliser l’Occident, mais je ne vois pas ce partenariat durer, avec ou sans l’Occident. La Russie est trop Européenne pour s’accomoder des interprétations Chinoises et en dépit de ce que pensent les Occidentaux, je ne pense pas que les Russes veuillent se détacher de l’Europe. Je pense que Poutine aujourd’hui, tient un langage militaire pour des soldats, mais la population des soldats est loin d’être le même profil social que le reste des Russes. Hors, la Russie moderne, ce sont les autres qui ne sont pas soldats.

En fin de video, Jean-François Colosimo est interviewé pour expliquer la dimension religieuse du conflit. Il mentionne, comme je l’ai déjà expliqué, que le communisme est une religion. Je cite Jean-François Colosimo:

Le communisme a été une expérience religieuse, une religion séculière, une religion politique, un messianisme athée, mais on voit très bien que chez les autorités chinoises, depuis quelque temps, il y a un rappel du Confucianisme, parce que c’est au fond le caractère religieux chinois, et on voit effectivement les leaders chinois citer à longueur de tirade Confucius, dont leurs parents qui étaient gardes rouges brûlaient les écrits. Cette opposition au Confucianism se trouve notamment dans le cas des Uighurs parce que là on a une véritable collusion de représentations religieuses du monde, et de manière générale, je dirais, aujourd’hui, le problème Chinois du point de vue des religions, c’est que la Chine absorbe et sinise, rend chinoise les religions qui arrivent en Chine et que de ce point de vue là donc, on est dans cette idée de l’harmonie, n’est-ce pas, très chinoise, mais cette harmonie, contrairement à ce que disait son Excellence, elle n’est pas que commerciale parce qu’elle absorbe, elle malaxe, elle transforme et en fait, reste finalement, le règne quand même d’une certaine bureaucratie, laquelle soumet les religions considérées comme extérieure, le Christianisme, le Bouddhisme, ca été le cas du bouddhisme aussi, l’Islam, etc…

Tout cela se déroule alors même que les monarchies Européennes s’appuient sur le projet Européen pour se renforcer. L’aristocratie, une autre forme de bureaucratie, et la myriade de cultes Chrétiens que la politique “globale” d’un mystique Occident cherche à équilibrer sous le jouc d’une orientation commune que la guerre, la peur, le doute, l’effroit, le froid, glace et cimente dans l’esprit des peuples. En anglais, on dit “Frieze” pour empêcher les gens d’avancer, et c’est ce qui se passe. Qui peut encore vouloir se battre pour des idées quand l’existencialisme devient essentiel? Ce que la bureaucratie Chinoise fait aujourd’hui, la bureaucratie de l’aristocratie Européenne l’a fait, le refait et ne cessera de le refaire, à priori. Finalement, les Russes, les Français et les Américains sont peut-être plus proches qu’il n’y paraît. Rabattre les cartes pour changer l’ordre mondial est un pléonasme vu de l’Occident, mais qu’en est-il dans l’esprit des Russes?

Le monde d’aujourd’hui n’existerait pas sans la Russie, la possibilité d’étudier, de gravir les échelons, d’avoir une vie sociale éduquée et accessible par le talent, mais c’est parce que la Russie a toujours fait trembler l’Occident ancien que l’Occident nouveau est arrivé. S’il fallait s’en convaincre, il faut voir les conditions de travail des femmes dans l’Angleterre de la révolution industrielle. Ces femmes n’étaient pas femmes, elles étaient ouvrières avant tout et sont devenues suffragettes pour se libérer.

Parallèlement, le rôle des femmes Russes de la période soviétique et venu rivaliser avec le nouvel Occident où les femmes prenaient de plus en plus de place. C’est l’esprit compétitif des hommes occidentaux qui a permis aux femmes occidentales d’évoluer, chose qu’elles n’auraient jamais pu acquérir seules. La pluralité du monde est un symbole de progrès.

Il n’y a pas un Occident. Il y en a plusieurs et d’autant plus que les races et les religions se mélangent. Hors, le monde d’aujourd’hui est devenu si complexe que la tentation serait de simplifier. La plupart des observateurs parlent d’une guerre en jeu d’échec, en jeu de Go, en poker, voir en belote. Certains parlent même d’une guerre hybride comme d’autres parlent du dahu, un animal a deux jambes qui ne sont même pas de la même longueur. A part gravir les talus, ou les descendre, le dahu vit toujours sur la pente. Moi je crois que cette guerre est tout simplement une guerre de civilisation, l’ancien monde contre le nouveau avec des valeurs qui s’opposent dans chaque camp.

Certains pays sont épris de messianisme, mais ils ne sont que les instruments. Ils ne le voient pas, ils ne le savent pas, peut-être même ne le sauront-ils jamais car je pense que ce messianisme est une auto-mutilation, c’est à dire que les peuples emmenés dans cette croyance ne sont plus capables de discernement. C’est un peu le reproche que je fais au Christianisme, d’infantiliser les foules et de les rendre serviles. Je crois que dans cette matière, Chinois et Occidentaux sont dans une rivalité parfaite, mais l’avenir est à ceux qui excelleront dans leur vision. Les armes n’y pourront rien.

Je ne sais pas si le monde a un dessein, car il y a plusieurs équilibres possibles, mais je crois aussi en la vérité simple et lumineuse, un peu comme une médicine douce, comme l’aspirine pour soigner des maux de tête ou le remède qu’on a tous chez soi pour soigner le mal au ventre. La vie, ce sont les bobos. La vérité pure et simple, c’est la façon de les soigner pour ne plus avoir à se torturer de questions, de remords et de doutes. Dans les moments les plus durs de ma vie, je me souviens toujours d’une chose, c’est de mourir en paix, faire en sorte que la vie soit devenue simple pour partir sans laisser de remords derrière soit. Partir comme un trait dans le sable, le vent souffle, reste la beauté du vent.

J’aimerais amener les peuples et surtout les gouvernements des peuples à ne pas se tromper de conflit au travers l’escalade qui se joue en l’Ukraine. Il ne faut pas sacrifier l’humain, ce qui définit le caractère humain. Hors les guerres, c’est toujours moche et ça laisse toujours plus de traces qu’il ne faut. Je pense qu’il est temps de mettre les peuples du monde face à leur avenir pour savoir, au fond, non pas ce qu’ils veulent être, mais ce qu’ils peuvent offrir de mieux. L’ordre est toujours comme un sac de sable, les grains les plus lourds tombent au fond.

Une chose que j’ai toujours cherchée au travers mon travail ethnographique, c’est de savoir si l’homme était instinctivement bon, si sa nature était d’être bon avant d’être pervertie. Et je pense que la nature humaine est bonne avant d’être pervertie, le mythe du “bon sauvage” existe toujours parce que s’il n’existait pas, s’il n’avait pas existé, “L’Homme qui Devint Dieu” n’aurait jamais trouvé son chemin. Ce que je veux dire par là, c’est que “L’Homme qui Devint Dieu” est avant tout celui qui a fait le choix d’aider les autres à trouver la force de la lumière en eux. Hors, pour que le choix s’excerce, il faut de la matière à ce choix pour qu’il apparaisse raisonnable de ne faire que des choses possibles, car l’impossible serait fou et l’impossible rendrait fou.

Les gouvernements sont aujourd’hui à la place de “L’Homme qui Devint Dieu“, mais nombreux sont ceux qui activent les peurs, l’inquiétude, le désarroi. Ils cherchent à asservir là où le messianisme serait de libérer, de ne plus avoir peur comme dit Charles Gave.

Dans son commentaire, Jean-François Colosimo fait toutefois une erreur lorsqu’il compare le Confucianisme à une religion. Une philosophie n’est pas une religion. La religion s’appuie sur des rituels, un rythme, des habitudes, destinés à changer la nature même de l’humain. La philosophie est une réflexion libre qui ne se ritualise pas. La philosophie peut s’approcher par les textes religieux, par les arts, par l’architecture, mais elle ne s’adresse qu’aux êtres éclairés. La religion en revanche est faite pour les peuples de manière à réduire les concepts philosophiques en une méthode auto expiatoire pour aller du concept à la solution. C’est l’interprétation qui est donné de toutes les solutions possibles qui induit les peuples à suivre différentes religions.

On imagine souvent la Chine comme un monde à part. Idem avec la Russie. On oublie souvent que la Mer Noire relie ces deux mondes à l’Occident et qu’avant le Christianisme moderne, il y a eu des Christianismes anciens, eux-mêmes précédés de civilisations illustres. C’est sur le fondement de ces civilisations, l’Egypte, Babylone, la Turquie, la Grèce, que les mondes ont évolués avec leurs spécificités de peuples, de géographie et de langues, tant de particularismes distincts.

Confucius, dont parle Jean-François Colosimo, est un héritier de ces pèlerins vivant entre plusieurs mondes, ceux horizontaux des hommes et ceux verticaux avec Dieu. Le Confucianisme est la plus Occidentale des chinoiseries avec une symbolique, une philosophie et une architecture dont les racines anciennes rejoignent celles des forets d’Occident. Pensé comme une philosophie, le Confucianisme devient un trait culturel, mais pensé comme une politique, il devient un navire marchand pour tisser avec l’Occident un échiquier d’enclaves. Xi Jinping a fait du Confucianisme une arme moderne pour se rapprocher de l’Occident par la racine, là où l’Egypte et la Grèce ancienne précèdent l’Empire Romain.

C’est dans l’histoire du monde ancien que la Chine fronde son emprise sur les pays d’Europe, du Moyen Orient et de l’Afrique. Elle développe de nouveaux modèles comme l’Empire Soviétique autrefois, comme l’Empire Britannique aujourd’hui, comme l’Empire Américain ou encore celui de la France. Le déterminisme des peuples n’est qu’une question de modèle. En Ukraine comme à Taïwan, le modèle vient de l’histoire des peuples, de leurs croyances, de leurs aspirations. Comme dans un couple, le modèle est celui de croire qu’une alliance détermine le modèle d’un avenir meilleur. L’union fait la force quand les partenaires se sont choisis. Il ne peut jamais s’agir d’un rapport de force.

Le déterminisme des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est surtout le déterminisme de vivre, de s’épanouir, de pouvoir offrir un avenir aux enfants. C’est le déterminisme de vivre en paix, en sécurité et dans une relative stabilité. Quand certains pays font pression pour forcer le “déterminisme”, il s’agit d’un impérialisme tellement arrogant et tellement sûr de sa force que l’issue ne peut être que l’impuissance même de gouverner un peuple déterminé à rester souverain. Le déterminisme est avant tout un acte de foi que les peuples ont en eux-mêmes, d’être intègre à leurs idéaux.

Dans cette guerre sur les territoires Ukrainiens, la Russie a déjà gagné, à cause du déterminisme des peuples justement et de la pression Américaine sur Taïwan. Par ailleurs, la Russie est tellement puissante que l’Europe ne pourra pas s’en passer et d’autant plus qu’un jeu d’influence se joue avec les Etats-Unis. La résilience des peuples est devenue le gage de leur survie dans un monde où l’amitié entre peuples n’existe pas, et de moins en moins. L’avenir va probablement produire des changements dans un ordre mondial chamboulé. Aucune grande puissance n’en sortira intacte, et c’est peut-être cela le nouvel ordre mondial, la fin d’un système où la taille du territoire fait le leadership. Russie, Chine, Etats-Unis sont des territoires. On voit bien que les forces sont ailleurs dans les alliances qui se nouent entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique du Sud. Toute une myriade de “petits” pays qui se distinguent par leur manque d’histoire, la jeunesse de leurs institutions, mais avec eux, c’est toute une part de l’évolution qui se perd, un déterminisme que l’Occident Ancien devra faire sur lui-même. Finalement, la question de Dieu revient toujours, ce que cela invoque d’humain.

Dieu, s’il existe saura…“, ce déterminisme-là raconte déjà toute l’histoire du futur, un réalisme mécanique et “froid”, “neutre”, “intransigeant”. Là où certains peuples voudraient être “élus”, la machine de l’histoire raconte la part qui est celle de Dieu dans la guerre, ce qu’il reste de l’humain, une fois lessivé et lavé de ses croyances. L’homme était-il bon? Les générations futures auront pour sûre un avis tranché, l’émotion animale de survie, la junte des pleurs. Il y aura toujours des mécontents. Il y aura toujours des orgueilleux également. La question essentielle est de savoir s’ils seront des peuples ou des individus car si les peuples disposent de leur déterminisme, les individus eux en sont exempts. On en veut pour preuve la gouvernance française sur le traitement des immigrés, déplacés, ballotés, les individus n’ont pas de déterminisme du tout.

Faut-il encore parler de déterminisme après les guerres de l’Occident et quel Occident? L’Amérique serait-elle l’Occident? La France à elle seule serait-elle l’Occident? La question se pose quand on entend Meloni répondre aux propos de Macron, l’Occident n’a jamais été une unité culturelle, religieuse ou économique.

L’Occident est un concept comme le Confucianisme est un concept, et si on y regarde bien de près, le vrai conflit est intérieur entre les classes sociales, les genres, les générations, les personnes, l’unité du peuple en question. Aujourd’hui, ce sont les cables de communication qui sont coupés, mais demain, un plus grand danger menace les pays Occidentaux, l’incapacité qu’ils ont à concevoir un destin commun, démocrates contre républicains, libéraux contre conservateurs ou souverainistes. La réalité est là pour dire que le monde va mal.

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